La condamnation morale de l'argent est aussi ancienne que son abus. Si elle est aussi répétitive, c'est qu'elle est stérile et impuissante. Comment imaginer une maîtrise d'un autre type ? En renouant avec l'ambition d'encastrer l'activité économique au sein de formes de vie sociale. Mais on ne peut réactiver l'idée d'encastrement qu'à la condition de valoriser aussi un double mouvement de libéralisation et de sanctuarisation pour réinventer un rapport imaginatif à l'argent.

Il est communément admis que l'argent est un tabou bien français. Nous avions prévu d'intituler ce dossier "Surtout, ne pas parler d'argent" et étions assez satisfaits de notre joli titre. Mais, à mieux y réfléchir, notre assurance s'est vite fracassée. Pas un tabou mais cinq nous a dit le philosophe, et pas celui de l'argent niais celui de l'injustice de sa répartition et de sa provenance nous ont dit l'historien de la littérature et les sociologues. Et plus grave que le tabou de l'argent est celui de la pauvreté, qui concerne trois millions d'enfants en France.

Les raisons historiques, sociologiques, psychologiques de l'émergence du journal intime sont multiples, contradictoires et insuffisantes. L'origine du journal intime relève d'une sorte de métaphysique dernière, de métaphysique pour tous ceux qui n'ont plus de métaphysique, quand il n'y a plus de fondement au savoir et à l'action hors de soi.