Le groupe joue en parfaite unité et simultanéité; les musiciens ont déjà bien déblayé le terrain, ont décollé en un ensemble soudé, en mesure désormais d'inciter, de pousser, voire de se surprendre eux-mêmes.

Ce disque occupe une place particulière dans la discographie de Matthew Shipp. Sorti à l'origine en 1995 sur le label No More Records, ce qui fut à l'époque son sixième disque en tant que leader ou co-leader est, avant tout, son premier album solo, nous offrant ainsi l'aperçu jusqu'alors le plus pur de ses concepts multiformes, mêlant intimement l'improvisation à la composition.

"Le monde de Ran Blake s'illustre une nouvelle fois dans ces interprétations et, derechef, nous ne pouvons résister à son attrait. Nous traversons ses ombres et sa lumière, ses étendues éblouissantes, conscients des cavernes et crevasses d'où émergent les images du pianiste - ici douces, là brutales, jamais retouchées. On connaît depuis longtemps le contenu cinématique de la musique de Blake, son utilisation du montage, du fondu enchaîné dramatique. Quand il travaille sur des formats courts tels que ceux-ci, on y trouve également la clarté et l'implacable honnêteté d'un recueil de nouvelles d'un auteur comme Raymond Carver. Les allusions extramusicales sont inévitables quand la musique engage les cinq sens, et le sont d'autant plus avec la musique de Blake." Bob Blumenthal

Par l'ampleur de leurs expériences compulsives, Erb, Baker et Rosaly font une belle brochette d'écureuils. Leur premier concert ensemble, lors de l'Umbrella Festival de 2013, est l'occasion de chercher l'équilibre de leurs voix. Cette session se déroule quelques mois plus tard ; et bien qu'il ne s'agisse que de la seconde rencontre du trio - ou peut-être est-ce grâce à cela, chaque interprète assure une présence totale dans les échanges tout en étant attentif à la densité et à la tenue du dialogue. Ce sont des sciuridés en réunion, prêts à bondir voire à voler en formation. Et c'est ce qu'ils font, du moins l'espace d'une session, sans dépendre d'une alimentation électrique, encore moins électronique. Car Stallman a beau se réserver le droit de sortir l'ordinateur portable en plein dîner, la lumière de l'écran dévorant l'éclat des bougies, le trio n'en est pas moins prêt à vous régaler en cas de coupure de courant.

L'écoute de ce chapitre fondateur de l'héritage musical du premier trio de Myra Melford, huit ans après sa création, suscite l'émotion. Ce sont de beaux souvenirs de rencontres personnelles entre Melford, Lindsey Horner et Reggie Nicholson, et on éprouve de la satisfaction quant aux idées formulées ici par Melford, en tant que pianiste et compositrice, qui ont annoncé le triomphe ultérieur de sa musique. Ce qui manque, c'est l'incertitude de celui ou celle qui contemple le passé récent, cette sensation d'avoir besoin de plus de temps pour prendre la pleine mesure d'une affirmation musicale. Par la clarté de ces interprétations désormais historiques - et des efforts qui ont suivi, Melford a rendu aisée la tâche d'entendre les présentes oeuvres comme une sublime fin en soi, et comme fondement de ses créations actuelles.

Le Trio SLD (Shocron, Lamonega, Diaz) est un groupe fascinant de jeunes et audacieux musiciens venus de Buenos Aires. Si la capitale argentine n'est pas réputée pour avoir une grande scène free-jazz ou de musique improvisée, un noyau dur d'artistes et de musiciens trouve sa place dans la cité. Cet album séduisant et passionnant provient d'un trio qui cherche aussi bien à donner qu'à recevoir, en faisant la synthèse de l'usuel et de l'inconnu. Sur Tensegridad, ces trois musiciens, solides et emphatiques, font jouer leurs muscles créatifs et s'efforcent de partager leur passion pour la musique, rendant ainsi à la communauté autant qu'ils ont reçu.