Cinquante ans après sa mort, Emmanuel Mounier demeure insaisissable. Ni théoricien, ni vraiment politique, ni intellectuel catholique, ni universitaire, ni mystique, le fondateur de la revue "Esprit" est le mélange rare d'un spirituel, d'un journaliste et d'un philosophe.

Emmanuel Mounier, le père du "personnalisme", le fondateur de la revue "Esprit", catholique engagé dans les débats politiques de son temps, fut-il, en 1940, tenté par l'idéologie du régime de Vichy ? Le reproche lui en a été souvent fait. Maus que valent ces accusations sommaires ?

A l'automne 1940, le fondateur d'Esprit, réfugié en zone libre, livre ses réflexions sur la déroute de l'été à une revue suisse. Invitant à prendre la mesure du désarroi qui touche son pays, il définit les éléments essentiels de ce qui doit être pour lui "un axe de résistance".

Si le procès récurrent monté contre Mounier renvoie à une profonde crise de l'art polémique qui caractérise notre période, il exige aussi de décortiquer les risques pris par Mounier dans ses engagements mais aussi le préjugé téléologique auquel succombent ses procureurs.

Si l'influence d'Emmanuel Mounier sur la pensée et la vie politique française n'est plus à démontrer, le rôle qu'il tint, pour une partie du monde catholique polonais, reste relativement méconnu. Pourtant, le père du personnalisme (puis la revue Esprit) modelèrent les réflexions qui marquèrent une avant-garde des intellectuels polonais, de la période prégomulkienne à l'émergence de Solidarité. Non sans ambiguïté : si Mounier voyait loin, il fut aussi victime d'oeillères et d'une certaine naïveté