Au XIXè siècle, des milliers d'hommes et de femmes décident de quitter la Belgique pour s'installer dans le vaste empire des tsars. Cette émigration, aujourd'hui peu connue du grand public, a pourtant profondément marqué l'histoire politique et économique russe. On connaît mieux le sort de nombreux Belges qui choisirent l'Amérique, espérant faire fortune dans le Nouveau Monde. Le destin de ceux qui partent vers l'Est est tout à fait différent : ils n'émigrent pas pour repartir de zéro, mais pour participer au gigantesque chantier industriel russe des XIXè et XXè siècles.

Lorsque le Belge Gustave de Molinari écrit, en 1861, dans une revue moscovite: "le surplus de nos capitaux et de notre travail pourrait être mis à profit, chez vous, de façon utile et avantageuse", ce n'est encore qu'un vœu mesuré d'un économiste libéral. Lorsqu'il veut convaincre son audience russe à Saint-Péterbourg, en 1865, de la nécessité de faire circuler librement la main d'œuvre par-dessus les frontières et d'unir, dans une entreprise, des ouvriers de différentes nationalités, il ne s'agit que d'un principe théorique.