Témoin lucide et victime du stalinisme, l'anarchiste Victor Serge fut aussi écrivain. Deux de ses romans et un inquiétant manuel du parfait révolutionnaire sont réédités.

Un petit bureaucrate chargé d'établir les grilles de salaires, révolté par la baisse réelle des salaires réels dont la propagande proclame l'augmentation régulière, achète par hasard un colt ; l'idée de tuer Staline palpite vaguement en lui, mais lorsqu'il croise par hasard le chef flanqué de ses gardes qui le fixe un bref moment de ses yeux jaunes il reste paralysé ; il donne son colt à un jeune communiste, moins révolté que lui, Kostia.

Libéré par Staline, soucieux peut-être de répondre à une demande de Romain Rolland et d'intellectuels français dont il avait besoin pour sa propagande et sa politique du Front populaire, Victor Serge, opposant de gauche exilé depuis trois ans dans l'Oural, arrive à Bruxelles le 17 avril 1936. Dès juin 1936, mois marqué par une puissante vague de grèves en Belgique, il publie dans le quotidien syndical belge La Wallonie une série de chroniques qu'il rédigera sans relâche jusqu'à la débâcle de mai 1940 : au total 203 ! Les éditions Agone publient une largue sélection (93) de ces chroniques.

Le Seuil avait jadis publié sous le titre ″Révolutionnaires″ les cinq romans de Victor Serge. Le plus achevé des cinq est sans aucun doute ″L'Affaire Toulaev″, version ou plutôt reconstruction - romancée mais hautement vraisemblable - de l'affaire Kirov, ce secrétaire du PC de Leningrad dont l'assassinat le 1er décembre 1934 entraîna la bacchanale des purges politico-policières à répétition.