Glissant comme larmes ou cascadant comme rire jaune, la poésie de Franck Venaille a la beauté perdue des noirs adoubements

En seigneur de guerre vieillissant et blessé, Franck Venaille nous livre ce qui est une "poétique de l'incontournable".

Franck Venaille commence, en forme de fraternel salut à Villon, par une épitaphe dans laquelle il évoque la figure d'un grand second rôle du cinéma d'avant guerre, Raymond Aimos, abattu en août 1944 sur une barricade.

J'ai consacré plus de soixante ans de ma vie à marcher dans des rues tristes. Puisque c'est sur le mouvement et l'action que j'ai bâti mon écriture poétique. Pour qui en effet lit Franck Venaille depuis Papiers d'identité jusqu'à Ca, ce recueil qui vient de paraître, mouvement et action sont deux sésames en même temps que de subtils rappels

Sous son titre ironiquement polémique et une couverture qui rappelle le graphisme des futuristes (elle est du peintre Jean-Pierre Raynault), Franck Venaille nous propose, avec son dernier livre, de goûter avec lui les auteurs qu'il fréquente, morts ou vivants.

Quelques vers de Franck Venaille pour commencer, pour dire l'ensemble d'une oeuvre et d'un parcours. On lit, dans la disposition même des vers, dans le vide créé par l'enjambement, la maladie et le désir de rester poète, de traduire par les mots l'horreur et la beauté du monde.

La marche, la mer, l'enfance, les femmes rêvées : le poème qui ouvre le nouveau recueil de Franck Venaille, "C'est à dire", annonce ce que les poèmes mettront en scène ou en musique, pour prolonger la métaphore de l'opéra. Et la musique est souvent celle des vagues qui battent la dune à Ostende, ou qui se fraient un chemin dans la lagune, du côté de Venise ou Trieste.