Gastronomie, l'histoire d'une exception française
Bulletin : <>Cahiers de Science et vie 171 - août 2017
Numéros de page :
pp.24-86
En France, l'identité nationale ne s'est pas construite autour d'un mets particulier, mais autour d'un nouvel état d'esprit culinaire : la gastronomie. Pour les dictionnaires, c'est l'art de bien manger. Jean-François Revel, philosophe gourmet, précise que "la cuisine est un perfectionnement de l'alimentation et la gastronomie un perfectionnement de la cuisine elle-même". C'est une cuisine qui réfléchit sur ses enjeux, ses implications, ses valeurs. Autrement dit, qui s'accompagne d'un discours. Elle réconcilie les mots et les mets. Ce processus, que nous retraçons dans ce numéro, se construit lentement sur plusieurs siècles. Le règne de Louis XIV est une étape déterminante. A la Cour, les repas sont une liturgie dédiée à la puissance du roi. Raffinement culinaire et ostentation deviennent indissociables. Deux siècles plus tard, au début du XIXe siècle, quand la gastronomie naît officiellement, elle reste marquée par ses origines aristocratiques. La Révolution, qui casse les privilèges mais pas la vaisselle de Sèvres, n'y changera rien. Elle reste une haute cuisine portée par quelques esprits nostalgiques de l'Ancien Régime. Le paradoxe est que cette cuisine parisienne et élitiste va peu à peu incarner la nation tout entière. D'abord avec la création des restaurants, qui diffusent vers la bourgeoisie l'art de bien manger. Et à la fin du XIXe siècle, avec l'intégration des spécialités régionales. Le repas des maires de France, en 1900, est un moment capital (et oublié) qui rassemble la nation autour de sa gastronomie. Initiée par Louis XIV, reprise par Napoléon, adaptée par la IIIe République, elle traverse donc toute notre histoire. Telle est donc l'exception culinaire française : se quereller sur tout, mais se réconcilier sur la cuisine. Astérix, en définitive, avait raison... Sommaire. Aux origines de notre identité culinaire. Et la cuisine devint française... Louis XIV à table. Naissance de l'art de la table. Une Europe qui mange français. Une révolution des palais ? Le siècle de la gastronomie. L'invention du restaurant. Un impérialisme culinaire qui fait débat. Escoffier, un poète aux fourneaux. Les nouveaux habits de la cuisine française. "Les chefs ne sont plus les représentants d'un patrimoine culinaire, mais des créateurs", Claude Fischler.