Il est bien des manières de présenter l’essentiel d’une oeuvre philosophique : on peut opter pour un exposé doctrinal qui en alignerait les principaux concepts, ou bien s’attacher à la situer dans l’histoire des idées afin d’en apprécier l’apport sur tel ou tel problème (ontologique, épistémologique ou éthique), ou bien encore en proposer une lecture plus existentielle, expliquant par exemple en quoi la découverte de cette œuvre est susceptible de modifier, voire de bouleverser les représentations du lecteur et, pourquoi pas, sa vie intellectuelle, mais aussi bien sociale et affective ; ou à l’inverse, on peut préférer adopter une posture résolument critique, en s’évertuant par exemple à mettre au jour des points aveugles. Et le mieux est sans doute, dans la mesure du possible, de concilier ces différentes approches. L’oeuvre d’Alain Badiou, imposante tant par son volume que par sa rigueur conceptuelle et son inventivité philosophique, est scandée par trois sommets : "L’Etre et l’Evénement" (1988) ; "Logiques des mondes" (2006) ; "L’Immanence des vérités" (2018). Le titre du premier opus donne leur sous-titre aux deux suivants (soit "L’Etre et l’Evénement" n° 2 et n° 3) et de ce fait donne son titre à ce qui forme une trilogie (sous réserve que le philosophe, aujourd’hui âgé de quatre-vingt-cinq ans, n’y ajoute un quatrième tome).