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Accidents industriels et régulation des risques

Numéros de page :
29 p. / p. 34-62
Le 31 août 1794, la poudrerie de Grenelle (Paris) explose faisant plus d'un millier de morts et de blessés ; le 15 octobre 1810, le décret sur les établissements industriels insalubres et dangereux est édicté. Cette proximité chronologique a incité certains auteurs à écrire que la législation sur les industries à risque découlait de cette catastrophe. Cette idée s'est même renforcée après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en 2001 et la mise en place consécutive des plans de prévention des risques technologiques en 2003. Or, l'analyse fine du fonctionnement de la poudrerie et de la régulation postérieure montre au contraire que cet accident industriel n'a eu aucun impact sur le décret de 1810. La poudrerie était exceptionnelle à plusieurs titres : un emplacement à l'intérieur de Paris, la concentration de plusieurs centaines d'ouvriers, un fonctionnement dicté par les impératifs de la mobilisation patriotique du gouvernement révolutionnaire. De plus, passé le paroxysme de l'an II, les créateurs de la poudrerie réussissent à se dédouaner des responsabilités. L'explosion n'a donc pas eu d'incidences sur la loi. Ironiquement, c'est l'ancien responsable de cette poudrerie, Chaptal, qui est au coeur de l'élaboration de la régulation étatique des risques industriels. A la fois industriel pollueur dans ses usines de produits chimiques et homme d'Etat, Chaptal associe la science à la raison d'Etat dans un projet de développement économique industrialiste. Tout en occultant la catastrophe de 1794, il prépare une législation favorable aux intérêts industriels et propre à acclimater le risque industriel dans la société.