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Un Proconsulat en trompe-l'oeil

01 janvier 2018
Numéros de page :
24 p. / p. 99-122
En 1919, au moment de la sortie de guerre, les populations arabes fidèles aux Alliés durant la Première Guerre mondiale réclament leur indépendance. Chargée de statuer sur le sort des pays arabes issus du démembrement de l'Empire ottoman, la Société des Nations propose de substituer le principe des mandats à celui des protectorats avant de déterminer les modalités de l'indépendance. En attendant, les Etats européens dépêchent en Orient des hauts fonctionnaires capables d'assumer des fonctions militaires et civiles. Dans ce contexte, le général Henri Gouraud est envoyé prendre en main les destinées de la Syrie. Choisi par Georges Clemenceau pourtant peu suspect de pensée colonialiste, cet officier colonial devenu l'un des grands généraux de la Grande Guerre est nommé pour organiser la relève des troupes britanniques dans la zone d'occupation qui doit revenir à la France, en application des accords Sykes-Picot de 1916. Sa mission consiste à succéder au diplomate François Georges-Picot et assurer le maintien de l'ordre pour l'ensemble de la Syrie. Du fait des tensions locales liées aux règlements de la paix en Orient avec les Arabes représentés par Fayçal, fils de Hussein, chérif de La Mecque, et de Mustapha Kemal en Turquie, on ne lui ménage pas ses pouvoirs. Disposant du titre de Haut-commissaire de la République française en Syrie et de Commandant en chef de l'armée du Levant, Henri Gouraud reçoit un poste à la hauteur de celui qu'avait eu Gallieni à Madagascar ou Lyautey au Maroc. Il reçoit un mandat qui fait de lui un véritable proconsul. Or, à peine arrivé à Beyrouth, il découvre qu'on lui a confié un proconsulat au petit pied car la République lui donne d'une main un pouvoir qu'elle lui refuse de l'autre. Son séjour en Orient de 1919 à 1923 atteste l'émergence d'une nouvelle ère coloniale où le temps de la puissance cède progressivement la place à celui de l'influence.