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S'intégrer dans la République des Lettres

01 janvier 2016
Numéros de page :
29 p. / p. 83-111
En 1688, le genevois Nicolas Fatio de Duillier (1664-1753) est officiellement élu membre de la Royal Society de Londres, honneur confirmant son identité de savant et de membre de la République des Lettres. Fatio de Duillier n'était pas issu d'une famille de tradition savante, et sa ville d'origine, Genève, n'était pas un des centres de la République des Lettres. Si son mérite personnel, indéniable, a été présenté comme l'argument décisif de sa reconnaissance européenne, il cache en réalité des processus plus complexes de construction et de médiatisation d'une identité publique. Pour comprendre les forces à l'oeuvre dans ces processus, les outils de l'analyse de réseau sont très utiles. Le concept d'intermédiaire permet de révéler le rôle de certains individus qui ont mis leurs ressources, notamment sociales, au service du jeune Fatio, et ont été déterminants dans ses choix et ses succès. C'est le cas de son maître à l'Académie de Genève, et par la suite mentor et ami, Jean-Robert Chouët. C'est aussi celui de grands noms de la République des Lettres tels que Jean-Dominique Cassini et Christiaan Huygens, qui ont fait figure de mentors pour le jeune homme, tout en y trouvant des intérêts personnels, selon la règle du don et contre-don régissant les sociabilités de la République des lettres. L'analyse de réseau permet également le changement d'échelle, en révélant les ensembles auxquels l'individu est intégré, en l'occurrence les réseaux protestants et marchands, qui ont été des ressources majeures pour le jeune homme. A travers le cas de Nicolas Fatio de Duillier, ce sont donc ces processus d'élaboration et de médiatisation d'une identité savante qui sont étudiés.