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A propos de "16 Ans", entretien avec Philippe Lioret

01 janvier 2023
Auteurs
Numéros de page :
pp.112-117
Ceux qui ont aimé "Mademoiselle", "Je vais bien ne t'en fais pas" ou "Welcome" (la liste n'est pas restrictive) recevront "16 Ans" comme une évidence. Celle d'un cinéaste qui fut ingénieur du son pendant de longues années avant de passer à la mise en scène, qui en a gardé une attention aiguisée au moindre soupir, à la moindre brisure dans la voix qui signale l'émotion, au moindre signe d'exaspération... Son cinéma est celui de la dentelle. Mais une dentelle qui n'est jamais revendiquée comme telle, une dentelle qui n'évacue pas l'âpreté, la douleur, le drame. Avec "16 Ans", le cinéaste nous fait revisiter cette période de la vie dont les couleurs vives se teintent parfois de noir quand la société s'en mêle avec ses gros sabots. Ce n'est pas la première fois que le cinéma transpose "Roméo et Juliette" (en l'occurrence son esprit plus que sa lettre) à l'univers de la banlieue. Gérard Blain l'avait fait dès 1987, avec "Pierre et Djemila". Mais Philippe Lioret a avant tout voulu parler des disharmonies, pour ne pas dire davantage, de nos sociétés. Et son constat est d'autant plus terrible que ses personnages sont en réalité tout en nuances. Le père du garçon aurait pu être un extrémiste bas du front (national), celui de la fille un musulman fondamentaliste, et ce n'est pas le cas, tant s'en faut. C'est le système qui est grippé, qui tend un filet de protection contre toutes les embardées de l'utopie, du rêve, de l'amour. est un film magnifique, qui mine de rien (Philippe Lioret déteste surligner ses effets) nous chavire. Il sort la première semaine de janvier 2023. Voilà une année qui démarre sur les chapeaux de roues !