Citizen Wiseman. "City Hall" de Frederick Wiseman
Bulletin : Cahiers du cinéma 769 - octobre 2020
01 octobre 2020
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pp.6-10, 12-18, 20-25
Que le nouveau film de Frederick Wiseman, à première vue une exploration du fonctionnement des affaires courantes à la mairie de Boston, arrive sur nos écrans quinze jours avant les élections américaines rappelle à quel point son cinéma, nourri de longues périodes d'observation, est tout autant traversé par une forme d'urgence. Manifeste politique sans discours ni slogans, "City Hall" ne peut l'être qu'en s'ouvrant de toutes parts, pour se laisser traverser par les paroles multiples, qu'il ne confisque jamais pour tirer la couverture à lui. Une forme de fierté constitutionnelle s'exhale du film, qui n'est pas sans évoquer la tradition de la grande fiction politique (progressiste) américaine. Avec une frontalité éhontée, "City Hall" s'aventure à montrer que l'Amérique, sa vie politique, c'est "aussi ça" (et pas uniquement le show télévisuel au pouvoir), et que ça fonctionne "comme ça" (par la prise de parole ordonnée, civilisée, indissociable de l'écoute qu'elle suscite mais aussi contient). Par sa clarté, son montage aux allures de porte tournante qui ventile cent fonctions politiques à l'échelle d'une cité. "City Hall" constitue le point d'orgue d'une filmographie délaissant toute posture politicienne pour se pencher sur une question : qu'est-ce que le "public", qu'il soit précédé d'un mot "bien" ou du mot "service" ? Ou, pour jouer sur le titre de l'un des premiers films de Frederick Wiseman, "Low and Order", qui inscrivait déjà le politique dans le quotidien : que fait la "polis" ? Sommaire. La situation de l'homme. Le complot pour l'Amérique, entretien avec Frederick Wseman. Le temps d'écouter, entretien avec Caroline Zéau. Wiseman ou la tradition du dissensus. La vie de son maire.