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"Dillinger est mort", Marco Ferreri

Bulletin : Positif 732
31 janvier 2022
Auteurs
Numéros de page :
pp.88-89
A l'époque, on n'avait pas encore inventé que la planète nous voulait du bien, qu'il fallait le lui rendre, que nous avions une sainte croisade à mener, nous, les bourgeoisies éclairées, pour sauver trois cailloux, de la flotte et deux plantes. Non, le monde, en ce temps-là, ne servait à rien. Il se vautrait dans sa cosmique inutilité, moderne et coquet, n'attendant, paisible, qu'une seule chose : notre mort, individuelle et collective. C'est en juillet 1968 que Marco Ferreri tourne à Rome "Dillinger est mort". Le joli mai parisien a éteint tout espoir révolutionnaire. Les mentalités changent, certes, admettons, mais le prolétariat ne s'est pas joint aux étudiants pour jeter des pavés sur l'ordre ancien. Vers la fin du film, Piccoli quitte son appartement, adresse un rapide regard à un tableau au mur qui figure une faucille et un marteau stylisés. Poing levé, il lui envoie un salut fraternel désolé, puis s'en va, au terme d'film-nuit unique dans l'histoire du cinéma, puisque sans rencontre romanesque, sans ivresse, sans mise en danger, sans rien d'autre pour parcourir les heures que des actions domestiques répétitives toutes à peu près insensées.