Dans un des poèmes des "Fleurs du mal", Baudelaire écrivait: "La forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel." Il exprimait ainsi sa tristesse devant les transformations radicales de la physionomie de Paris imposées par le préfet Haussmann. Nos précédents dossiers sur la représentation de Londres et de New York au cinéma se faisaient l'écho de ces métamorphoses. Celui que nous consacrons à Venise s'attache, au contraire, à sa pérennité. Si le premier grand festival de cinéma fut créé en Italie, ce ne fut pas à Venise, qui n'est jamais devenue une ville du XXe siècle où le cinéma a fleuri, mais sur le Lido tout proche, aux bâtiments neufs. La Cité des Doges a inspiré les plus grands metteurs en scène, de Visconti ("Senso", "Mort à Venise") à Losey ("Eva"), de Lean ("Vacances à Venise") à Mankiewicz ("Guêpier pour trois abeilles"), auxquels il est rendu hommage, sans oublier la figure mythique de Casanova vue par Freda, Comencini et Fellini. La beauté envoûtante de la ville a aussi son côté nécrophile. Les eaux stagnantes, les palais décrépits ont donné naissance à une Venise gothique où rôde la mort et qu'ont su saisir après les écrivains (à commencer par Thomas Mann), Martin Gabel, Dino Risi, Nicolas Roeg et Paul Schrader. Enfin, il n'est pas jusqu'à Orson Welles, orfèvre en vérités et mensonges, qui n'ait tourné à Mogador, au Maroc, son Othello tout en passant à Venise quelques jours évoqués ici même par son comédien et ami Micheal Macliammoir dans son journal du tournage "Put Money in Thy Purse". Sans parler de l'un de ses films mort-nés "Le Marchand de Venise". Sommaire. Casanova, un séducteur à Venise. Casanova, l'aventure et l'écriture. En tournage à Venise avec Orson. Un carnaval de spectres : Venise, la cité de l'indicible peur. Reflets vénitiens. Entre palazzi et cartoline. Le lieu et la formule : la beauté viscontienne au creuset de Venise. Les Bagni Alberoni : la plage secrète de "Mort à Venise".