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L’'Ethos', un terme grec pour mieux appréhender les flexions de la grammaire romaine du politique

01 janvier 2023
Numéros de page :
pp.93-108
Avant de s’imposer en tant que concept sociologique grâce aux travaux fondateurs de Norbert Elias, de Max Weber ou, plus récemment, de Pierre Bourdieu, le terme 'ethos' n’était rien d’autre qu’une notion floue et ambivalente de la langue grecque classique, exploitée par un philosophe comme Aristote pour aborder tout à la fois le politique, l’art oratoire ou encore la musique… Recourir à ce mot dont l’orthographe (ἦθος, ἔθος) et le sens (manière d’être, caractère, disposition de l’âme ; coutume, usage) peuvent varier suivant les contextes et les sources est-il pertinent lorsque l’on tente d’appréhender les mutations politiques romaines des premiers siècles avant et de notre ère ? 'Ethos' n’a certes pas d’équivalent strict dans la langue latine ('mens', 'mos', 'mos maiorum', 'disciplina'…) mais l’exploitation de ce terme présente au moins deux avantages pour les historiens. Il permet en premier lieu de restituer la part d’incertitude et, parfois, d’aporie propre au vocabulaire et aux pratiques politiques des Romains. Il offre surtout la possibilité d’aborder la 'res publica' à travers l’idée de la performativité de la grammaire romaine du politique. Pour le dire autrement, le langage politique ne sert pas à rendre compte d’un fonctionnement politique préexistant : il génère une 'fiction' qui donne corps, consistance et légitimité à des structures politiques dont il délimite plus ou moins arbitrairement les normes, les capacités et les perspectives d’action. Entre conflit, légitimité et consensus, l’'ethos' est un angle d’étude potentiellement novateur. C’est particulièrement net pour la longue période qui s’étend de Sylla à Trajan, période de destruction créatrice des normes individuelles et collectives que l’on peut considérer comme étant celle d’une 'res publica' impériale en mutation.