Accumuler le capital. Sociohistoire du capital-investissement en France, 1982-2017
01 septembre 2019
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pp.47-71
Presque inexistant en 1970, bien que l’investissement en fonds propres ait pu exister sous d’autres formes par le passé, le secteur du capital-investissement joue maintenant un rôle massif dans l’accumulation de profits financiers : en 2016, les fonds de "capital-investissement" possédaient dans le monde des participations d’entreprises d’une valeur de 2 490 milliards de dollars et ont distribué 488 milliards de dollars de profits à leurs investisseurs et gérants de fonds. Cet article présente trois résultats. Il montre d’une part que l’émergence du secteur n’est pas le produit d’un affrontement, mais d’une coalition élaborée entre trois groupes sociaux, les représentants du secteur (organisés au sein de la principale association professionnelle des fonds Association française des investisseurs pour la croissance, AFIC), les pouvoirs publics et des acteurs financiers traditionnels. Il s’agit d’un résultat contre-intuitif, notamment car il se distingue de l’histoire américaine du capital-investissement, bien documentée, marquée par un conflit durable entre les managers des grandes entreprises conglomérales et la génération montante des capital-investisseurs. Il montre d’autre part que cette coalition s’est traduite par la co-production entre les représentants du secteur et les pouvoirs publics d’un arrangement institutionnel favorable à l’enrichissement des capital-investisseurs. Il décrit enfin comment ces règles ont progressivement créé trois voies d’alimentation du secteur en capital.