« Musique et économie », c'est le thème qu'affiche pour cette année la Maison de la Culture de Grenoble ; si elle a des raisons d'être tout particulièrement attentive à ce problème, il n'en concerne pas moins la musique de tous les pays et de tous les temps.

L'Opéra Bastille dorme cette année l'intégrale des "Troyens", cet opéra gigantesque de Berlioz que le musicien lui-même n'a pas pu voir, de son vivant représenté dans sa totalité. On sait les difficultés que rencontra Berlioz jusqu'à ses derniers jours. "Benvenuto Cellini" en 1838, "La Damnation de Faust", en 1846, s'étaient heurtés à l'incompréhension des critiques et du public ; "L 'Enfance du Christ", dont la première audition eut lieu en décembre 1854, connut un succès qui encouragea Berlioz à écrire un opéra tiré de Virgile, opéra auquel il songeait depuis longtemps.

Réjouissons-nous, une fois encore, de cette redécouverte du répertoire français du XIXe siècle que nous permet l'Opéra-Comique. On vient d'y donner "La Dame blanche" de Boieldieu, oeuvre trop rarement jouée et dont le grand public ne connaît guère que le titre et peut-être l'air de Jenny, grâce à Tintin qui le chante, ivre mort, dans "Le Crabe aux pinces d'or". Et pourtant quelle richesse aussi bien dans le livret de Scribe que dans la partition, richesse admirablement servie par cette nouvelle mise en scène et par des chanteurs talentueux.

Nous ne manquons pas de transmissions musicales à la télévision, à la radio, grâce à Internet. Ainsi Rouen et Genève ont pu donner de belles interprétations de "Pelléas et Mélisande", et c'est un bonheur que nous ne sous-estimons pas. Plus récemment la plateforme audiovisuelle Philharmonie Live a permis d'entendre, mais aussi de voir l'oeuvre de Boulez. L'Orchestre national de Lille, celui de Lyon, de Toulouse, de Montpellier filment leurs concerts et atteignent ainsi un public à la fois absent et élargi.

L'Opéra Bastille ressuscite et retrouve son public en ce début de la saison théâtrale, en nous donnant à voir un "Vaisseau fantôme" de qualité. Un des problèmes que pose cette oeuvre, c'est la représentation du fantastique sur la scène.

Lors de sa création en février 1752, au Covent Garden de Londres, "Jephtha" était un oratorio, un des derniers de Haendel. La magistrale exécution du "Jephtha" que vient de donner l'Opéra Garnier, grâce à une mise en scène qui la transformait en opéra, permet de mieux sentir la valeur dramatique de cette musique, ses tensions, son tragique.

Retour sur la genèse de l'opéra-comique d'Offenbach, d'après la pièce de Musset, "Fantasio" à l'occasion de sa programmation au Théâtre du Châtelet par l'Orchestre philharmonique de Radio France, sous la direction de Laurent Campellone et une mise en scène de Thomas Jolly. Béatrice Didier livre également son compte-rendu du spectacle.

Avec son opéra "Andrea Chénier", du nom du poète André Chenier guillotiné lors de la Révolution, Umberto Giordano mêle opéra et histoire. L'opéra donne une belle illustration du mouvement artistique italien du XIXe siècle, le vérisme.

En donnant récemment "Beatrice di Tenda", l'Opéra Bastille amène à dénoncer une triple injustice, dont souffrent Bellini, cet opéra rarement mis en scène, enfin l'héroïne dont est racontée la triste histoire. Bellini souffre d'être venu dans une époque très riche en créations opératiques, où l'influence de Rossini domine, et où Donizetti produit avec surabondance. Bellini est mort très jeune et a laissé un nombre d'opéras relativement restreint. Parmi ses oeuvres "Norma" domine. Enfin "Béatrice" est, du moins à l'opéra, une victime innocente.

Béatrice Didier livre la critique de "La Cenerentola" de Rossini, sur un livret de Jacopo Ferretti. L'opéra est une adaptation du conte de Perrault,"Cendrillon". Guillaume Gallienne signe la mise en scène tout en évitant les écueils rencontrés par l'oeuvre depuis sa création.

L'Opéra-Comique nous a donné, avec "Ercole amante", un bonheur sans réserve. Cette représentation de l'opéra trop rarement joué de Cavalli (1602-1676) est une réussite absolue, à la fois par la perfection de l'exécution musicale, et par l'invention jaillissante de la mise en scène. Mettre en scène une oeuvre de 1662 n'est pas chose facile : une reconstitution érudite risquait de trahir le dynamisme de cette musique ; la fantaisie moderne risquait de la dénaturer.

On se rappelle la boutade de Stendhal qui disait ne pas vouloir vivre à New York, parce qu'il n'y avait pas d'Opéra dans cette ville. Depuis, New York est devenu un haut lieu de la création musicale, et ses salles prestigieuses sont parmi les premières du monde. Cependant, si l'on s'interroge sur la réception des oeuvres d'Outre-Atlantique, on constate que le grand public français de nos jours connaît mal l'opéra américain, et le ramène parfois à la comédie musicale.

Béatrice Didier revient sur les performances remarquables autour de la programmation des opéras "I due Foscari" de Verdi et de "Coronis" de Sebastien Duron à Paris.

L'Opéra-Comique donne "La Périchole" dans une interprétation où la joie triomphe, et l'on sort heureux d'un spectacle à la gloire de l'art et de la beauté. Le directeur musical, Julien Leroy et la metteuse en scène, Valérie Lesort, ont opté pour la seconde version de cette oeuvre, et à bon droit.

A vrai dire pendant longtemps Anton Reicha n'était guère connu que par les élèves des Conservatoires qui avaient souffert sur es traités de technique musicale. Oublié du grand public, ce musicien avait pourtant eu son heure de gloire à l'époque romantique. Et voilà qu'il est redécouvert depuis peu. On mesure à quel point était injuste ce purgatoire qu'on lui avait fait subir. Les musicologues tchèques s'en avisèrent les premiers.