Le hasard des rencontres m'a donné à lire cette semaine deux livres qui font chacun à sa manière l'éloge de l'insoumission, l'un chez l'acteur, l'autre chez le poète. Georges Banu relève les empreintes sonores du comédien qui brise les cadres de l'attente convenue, déstructure la phrase et en déplace les accents pour faire mieux entendre la langue. Yves Bonnefoy reconnaît le poète à sa volonté de déjouer dans sa phrase les séductions du verbe. Tous deux esquissent, au-delà des différences culturelles, une identité européenne de l'art.

Les éditeurs français ont honoré le quatre cent cinquantième anniversaire de la naissance du toujours jeune Shakespeare avec les trois ouvrages d'un poète, d'un universitaire et d'un homme de théâtre, outre un recueil de "Lettres à Shakespeare" par seize écrivains francophones, déjà évoqué ici.

Un livre d'une grande ampleur. Ni dictionnaire des mythes, ni réinterprétation de ceux-ci, ni histoire de l'art. Cet ouvrage repose sur Yves Bonnefoy, sur une pensée de l'image, des Grecs à Poussin, dont le grand Moïse sauvé des eaux est à ses yeux « un des sommets de l'art d'Occident ». Le parcours ne se limite pas au Gargaros de l'Iliade, il peut nous conduire au Golgotha. Et à la poésie vivante des figures.

Le poète, critique d'art et traducteur (notamment de Shakespeare) Yves Bonnefoy est mort le 1er juillet 2016 à l'âge de quatre-vingt-treize ans. Le plus célèbre des poètes français contemporains, traduit dans le monde entier et tant de fois pressenti pour le prix Nobel, auteur - au-delà des poèmes - d'un véritable système, déclarait que « nous sommes des navires lourds de nous-mêmes ». Hanté par les interrogations métaphysiques, il a cherché à élucider notre rapport au monde par les moyens de l'art.

Des quatre livres d'Yves Bonnefoy, parus ces derniers temps, deux sont des recueils d'entretiens ou d'articles, et deux autres sont des inédits, sur lesquels nous nous attarderons.