Raymond Carver (1938-1988) campe des Américains à peine moyens, aux vies ordinaires, aux destins ratés. Mais l'extrême simplicité de son écriture dérange plus qu'elle ne rassure. Elle fascine. Dans ses nouvelles, ellipses et blancs, répétitions obsessionnelles transforment monde et langage ; le récit dérive, frôle le fantastique, tente de cerner un mystère qui toujours échappe. Carver ne pratique pas un minimalisme convenu et vague ; explorant le banal, il ouvre des perspectives insolites, hyperréalistes, dans la vie de personnages au présent dévasté

Journaliste, Philippe Romon est un fin connaisseur de l'Amérique du Nord et de sa littérature. Il a déjà publié plusieurs ouvrages dont Il était une fois l'Amérique (Denoël) et Le Bienfaiteur (L'Archipel)

Il aura vécu intensément. Enfance heureuse, adolescence agitée, marié trop jeune, père à tout juste dix-neuf ans, il a connu la précarité, les galères et les frustrations, l'alcool et la descente aux enfers. On aurait déjà pu en faire un roman. Puis il est mort une première fois, ou presque, à quarante ans - exit « Mister Whiskey » auteur contrarié et mari impossible -, pour renaître et mener une nouvelle vie. Une vie vouée à tirer les leçons du passé, à s'élever, à aimer « tout ce qui le grandit ». À devenir Carver, un des plus grands écrivains américains. Lorsque Rodolphe Barry évoque Raymond Carver, nous entendons sa voix feutrée, nous sentons sa présence sobre et puissante. C'est une descente au fond du coeur de Ray.