Il y a un an mourait le grand médiéviste Jacques Le Goff. Ce dossier lui rend hommage, à travers un thème qu'il a été parmi les premiers à explorer en s'intéressant au rire : l'histoire des émotions. Le Moyen Age a longtemps été présenté comme un temps où les sentiments s'expriment de manière outrancière : saints qui pleurent abondamment, princes qui s'emportent jusqu'au meurtre, foules qui rient ou s'effraient démesurément. A travers sept émotions, on découvre au contraire combien cette expressivité était codifiée. Et finalement très rationnelle.

Publiée en 1957, cette introduction à la sociologie historique nous expliquait pourquoi Abélard fut, au XIIe siècle, le premier intellectuel occidental.

C'est Jules Michelet, médiéviste infidèle, qui "inventa" l'expression "Renaissance" lors d'une leçon au Collège de France en 1840. Est-ce possible ? Tout est possible quand les hommes et les idées croisent un mouvement de fond.

Paru juste avant la mort de son auteur, "Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ?" est le dernier livre de Jacques Le Goff aux deux sens du terme - le plus récent et l'ultime. Cela lui confère la tonalité particulière d'une conclusion à une longue et brillante carrière. Si ce petit livre n'ajoute guère aux travaux qui ont illustré la carrière du grand historien, il en tire la leçon avec la clarté bienvenue d'un manifeste.

Dans les dernières décennies, l'histoire a connu, à l'instar d'autres disciplines, un dynamisme cumulatif, un développement presque torrentiel à travers le monde. Un grand nombre de chercheurs ont contribué à ce mouvement. Parmi eux, certains s'élèvent au-dessus des autres comme chefs de file, y laissant une empreinte indélébile, comme des colosses. Jacques Le Goff en est un.

Jacques Le Goff est mort le 1er avril 2014, à 90 ans. Il a accompagné la revue depuis le numéro 22, en avril 1980, toujours prêt à répondre à une demande d'articles ou d'entretiens. Il était le dernier des historiens médiévistes "généralistes" (Duby était l'autre) qui osent aborder de front une longue période, sous tous ses aspects, dans un vrai "appétit de l'histoire" (le titre de son ego-histoire).