En quelques semaines, Alice Diop a reçu un double prix à Venise pour "Saint Omer", également choisi pour représenter la France aux Oscars. Coïncidence ? C'est à l'heure où le cinéma français traverse une crise sans précédent (baisse de fréquentation, critiques sur le manque de diversité de l'industrie...) que cette jeune cinéaste venue du documentaire passe à la fiction et rentre dans la cour des (très) grandes. Entretien.

Saint-Omer, c'est le nom de la ville qui a hébergé le glaçant procès de Fabienne Kabou en 2013, accusée d'avoir noyé son enfant de quinze mois, sur la plage de Berck, en pleine nuit, à la marée montante. C'est aussi le titre du nouveau film d'Alice Diop - deux fois primé à Venise, candidat de la France aux Oscars 2023 - qui retrace chaque étape du procès, pour tenter d'expliquer ce que personne ne semble comprendre. Après "Nous", docu buissonnier et sensible autour de la ligne de RER A, Alice Diop signe un Impressionnant premier long métrage de fiction au scalpel.

D'un fait divers terrible, la cinéaste déploie un film de procès dont la cohérence entre parole et mise en scène tire le huis clos vers la grande expérience collective.

Alice Diop est dans la course aux Oscars avec "Saint Omer" et Louis Garrel nous offre une comédie galvanisante qui cartonne en salle avec "L'Innocent". Chacun-e ayant beaucoup apprécié le film de l'autre, nous avons eu envie de les faire se rencontrer.

Son nom a émergé à la faveur du Lion d’argent décerné lors de la Mostra de Venise à « Saint-Omer », son premier film de fiction, en salle le 23 novembre. Cela fait pourtant vingt ans qu’Alice Diop, 43 ans, tourne des documentaires, souvent récompensés.

"Saint Omer" est le premier long-métrage de fiction d’Alice Diop. Aussi singulier que vertigineux, il a été primé à la Mostra de Venise et représentera la France à la cérémonie des Oscars. La réalisatrice explique ici les raisons pour lesquelles elle fait du cinéma.

Dans "Saint Omer", récompensé à la Mostra de Venise, Alice Diop s'inspire d'un fait divers survenu sur une plage du Nord de la France, où une femme avait inexplicablement laissé sa fille se noyer en la déposant sur le sable à la marée montante. Coécrit avec la romancière Marie NDiaye, le film signe l'entrée de la cinéaste dans la fiction et décroche un potentiel ticket pour les Oscars. Rencontre.

A quoi ressemblerait aujourd'hui un film qui ferait l'unanimité ? Depuis sa projection primée à Venise, étiquette "choix français pour les Oscars" et Prix Jean Vigo à l'appui, "Saint Omer" semble être de ceux-là. Comprendre : il serait conciliant et pas subversif, rassurant et pas provocateur, lisse et pas rugueux ; bref, idéologiquement et esthétiquement dans "l'air du temps".

Après avoir réalisé plusieurs documentaires nés de rencontres avec leurs protagonistes ("La Mort de Danton", "Vers la tendresse"...) et qui lui ont permis d'évoquer sa propre histoire ("Nous") et de filmer les paysages de la banlieue nord où elle a grandi, Alice Diop, pour sa première oeuvre de fiction, revient sur un fait divers effroyable, le procès d'une mère infanticide.

Primée à la Mostra de Venise, présélectionnée pour représenter la France aux Oscars, Alice Diop signe avec "Saint Omer" l'un des films les plus percutants de l'année. Pour "l'Obs", elle dialogue avec Marie NDiaye, prix Goncourt 2009, une de ses coscénaristes.