La tragédie qui s'est invitée à la sortie du dernier roman de Michel Houellebecq, "Soumission", nous oblige à cerner la polémique dont il est l'objet sous un jour différent. D'ailleurs, l'écrivain lui-même, face aux circonstances et surtout à la perte de son ami Bernard Maris, a fait le choix d'interrompre sa tournée promotionnelle. C'est dans ce climat inquiet et stupéfait que "Soumission" est actuellement en tête des ventes.

Nos sociétés blasées ne croient plus au potentiel subversif de l'art. Une longue succession de scandales, des écrits de Diderot au "Sacre du printemps" de Stravinsky en passant par l'"Olympia" de Manet, ont anesthésié notre capacité d'indignation. L'attentat contre "Charlie Hebdo" comme la répression des Pussy Riot en Russie illustrent pourtant la nécessité du droit de choquer.

Une fois encore l'écrivain déclenche la polémique avec son roman, "Soumission", qui met en scène une France islamisée. Un nouvel épisode sulfureux pour une oeuvre mondialement reconnue, qui aura jusqu'ici réussi à affoler tous les curseurs idéologiques.

Analyse à charge de Jean-Kely Paulhan de l'oeuvre de Michel Houellebecq "Soumission". Premier constat : le livre met à mal la maxime "la littérature est une fête". "La course au désastre", thématique pourtant déjà largement explorée par la littérature, sous la plume de Houellebecq ne fait que mettre le lecteur face à ses peurs et ses dénis.

L'hiver littéraire a titillé notre chroniqueur, qui s'attaque ici aux deux romans de la rentrée 2015 : "Vernon Subutex" et "Soumission".

Le roman de Houellebecq révèle certains mécanismes psychologiques à l'oeuvre dans la conversion, entre pragmatisme et quête spirituelle.

Dans "Soumission", Houellebecq met en scène une révolution de velours : en 2022, la France devient, presque en douceur, une république islamique. Si l'argument évoque la thèse d'extrême droite d'un « grand remplacement » accompagnant les dynamiques démographiques des populations, la ressemblance est lointaine : chez Houellebecq, les musulmans ne sont pas des banlieusards allogènes, mais de grands athées convertis. Dans le roman, l'islam s'impose aisément, tant cette religion représente une vision du monde construite, cohérente, ambitieuse.

Michel Houellebecq a le don d'ubiquité. On l'a vu tour à tour romancier, poète et rocker. Il est acteur dans le film de Gustave Kervern, "Near Death Experience". Dans le spectacle de Julien Gosselin tiré des "Particules élémentaires", l'un des protagonistes mime sa silhouette. Deux repères pour lire "Soumission" : on sait qu'"islam" signifie en effet "soumission" et Houellebecq nous a dit naguère ce qu'il pensait de cette religion.