"Accorder une foi aveugle à tout ce qui bifurque. La foi : avoir la certitude qu'on peut tout recommencer depuis le début." Tel est l'un des credos du narrateur de "Venise, aller simple", nouveau roman d'Alain Veinstein. Ce personnage rêveur croit aux miracles et, à chaque instant, en guette les prémices.

Célèbre animateur de France Culture avec ses Nuits magnétiques, Alain Veinstein est aussi écrivain. Il revient sur son expérience des ondes avec un recueil de textes, Radio Sauvage.

Alain Veinstein, c'est d'abord une voix, entendue pendant des années, chaque nuit, par des milliers d'auditeurs de France Culture. Combien d'écrivains ont parlé comme jamais de leurs livres, de leur vie, face à cet homme de radio qui les interviewait. Cette réserve, ce principe de délicatesse avec lesquels il conduisait ses entretiens avaient sans doute leur source dans le fait qu'Alain Veinstein était lui-même écrivain, auteur de plusieurs romans et l'un des meilleurs poètes de sa génération. Aujourd'hui, c'est sa passion première, la peinture, qui l'a repris.

Parfois, le choc est tel après la lecture d'un grand livre qu'on ne trouve pas les mots pour le dire. Et si une seule phrase suffisait ?

Alain Veinstein et Jean-Marc Aubert ont cultivé leur jardin secret. Leurs romans riches d'arbres et de plantes prouvent que la littérature peut avoir la fibre horticole. Ils sont les premières révélations de la rentrée.

J'ai l'impression que tout s'endort... dans l'arrière-pays d'un pays en voie d'être détruit, disait Alain Veinstein en 2005 sur France-Culture, dans son émission anniversaire de Surpris par la nuit. Ce mauvais rêve habite l'auteur, ou en tout cas deux de ses livres. Dancing et Le Développement des lignes, le second reprenant en partie le premier dans un récit en vers.

Rendre justice à ce livre d'un bout à l'autre fulgurant, que nous avons lu d'une traite tant il empoigne et ne lâche plus, ce n'est pas tâche aisée. Essayons pourtant.

Le dernier livre d'Alain Veinstein ne se rattache à aucun genre et participe de plusieurs : le récit d'enfance, la confession, le journal de bord, le monologue de théâtre, l'oratorio. Maelstrom vertigineux de tout cela, tourbillon de souvenirs et d'affects, recherche d'un impossible ici-et-maintenant qui donnerait enfin à l'existant qui se débat la clé d'un départ vers l'avenir sur ses deux jambes, ce ne peut donc être qu'un poème, le long poème de la quête de soi.

Une oeuvre littéraire, à quelque genre qu'elle appartienne, n'existe pas sans une torsion, une ″accentuation″, disait Mallarmé - qui s'exerce à partir de la langue commune en vue de la transfigurer, ou de la défigurer, en somme de la débarrasser de la fonction de bon bourricot porteur de banalités qu'elle assume dans la ″communication″.