Cet article a été écrit en pensant à deux types de lecteurs : les uns, qui ont déjà fréquenté "La Semiosis social, 2" (2013) et qui disent ne pas y avoir retrouvé le "Veron de toujours", les autres, qui n'ont pas pu accéder à ce texte pour diverses raisons mais sont potentiellement intéressés. Je pense que les uns comme les autres, pour des raisons opposées (excès de zèle sur une partie de l'oeuvre ou simple défaut de celle-ci), trouveront utile de reprendre ou de poursuivre leur chemin un peu différemment.

On ne s'étonne plus que "La Sémiosis sociale" soit considérée comme un livre en sciences de l'information et de la communication. En Argentine, en effet, il a été l'un des ouvrages les plus enseignés et les plus étudiés par les étudiants de cette discipline, en particulier la deuxième partie, au sein de laquelle Eliséo Veron présente de façon organique sa théorie de la discursivité.

L'acte d'écrire un texte pour un hommage à Eliseo Veron comporte quelques questions qu'il faut confronter et dégager. Comme d'habitude, dans ces cas de figure, on retrouve d'un côté l'homme, sa personne et son activité professionnelle ; de l'autre côté, son oeuvre. Et, comme toujours, ces sphères ne sont pas faciles à séparer (encore moins aujourd'hui).

La parution d'"Ethnographie de l'exposition", en 1983, peut être considérée comme un tournant des recherches sur l'exposition, car le travail d'Eliséo Veron et de Martine Levasseur, à la fois, participait des tendances qui allaient structurer le champ des études muséales, alors en émergence, et les cristallisait par les dimensions mobilisées pour conduire leur étude de l'exposition "Vacances en France".

Tout au long de son oeuvre, Eliséo Veron n'a pas seulement défini et mis à l'épreuve le concept de sémiosis sociale. Il l'a également accompagné de développements théoriques avec des schématisations qui synthétisent visuellement le système de relations entre les termes qui le composent. Il l'a fait de différentes manières, en soulignant dans chaque cas un aspect particulier du phénomène.

Eliséo Véron fut l'un des chercheurs en sciences de l'information et de communication les plus respectés en France, un des plus éclectiques - et sans doute un des plus exigeants. Pourtant, il est resté paradoxalement marginal dans le milieu académique français - son décès, vingt ans après son retour en Argentine, n'a donné lieu en France qu'à très peu de manifestations commémoratives, contrairement à ce qui a eu lieu en Amérique latine.

Eliseo Veron est mort le 15 avril 2014 à Buenos Aires. Ce numéro spécial de "Communication & langages" entend - pour reprendre ses mots - "rendre hommage à l'auteur disparu", mais aussi et surtout prolonger sa réflexion dans le champ qui est le nôtre, dans des temps qui sont les nôtres. Que nous dit son oeuvre des mondes de la recherche et des devenirs historiques de la médiatisation ?

Eliseo Veron est décédé le 15 avril 2014 alors que nous mettions le numéro de "Communication & langages" sous presse. Nous avons voulu lui rendre un premier hommage avant de revenir ultérieurement et plus longuement sur son parcours et son oeuvre théorique, par amitié bien sûr, mais également pour ce qu'il fut sans doute l'une des grandes figures de notre discipline.