Capitale d'un empire millénaire, au sein de la Mitteleuropa, Vienne porte en elle des influences orientales et une effervescence intellectuelle qui en fait, au début du XXe siècle, un des grands centres de la vie artistique. Stefan Zweig aimait se prélasser dans les cafés, tandis que Thomas Bernhard pleure sa ville, détruite par l'Anschluss.

En 1936, peu après la mort de Karl Kraus à Vienne - cette « station météorologique de la fin du monde » où il avait vécu toute sa vie -, on pouvait lire dans « Europe » une nécrologie dont il vaut la peine de citer quelques mots pour mémoire, tant les traits du profil ne semblent guère avoir jauni : « Adoré par une foule de partisans dévoués, honni par la presse et par la littérature officielles, Kraus réunissait en lui l'esprit d'un Don Quichotte réaliste et d'un Cyrano dénué de sentimentalité.

Elle fut sa ferveur avant d'être son tourment. Modèle de civilisation, patrie véritable de l'écrivain qui comprit finalement l'impuissance de l'art face aux ténèbres qui obscurcissaient le Vieux Continent, l'Europe de Stefan Zweig a pour capitale la ville de Freud, Schnitzler, Roth, Schönberg, Klimt et Kokoschka. Matrice d'une modernité qui dérange encore.