Le Chevalier Herluin et la fondation de l'abbaye du Bec
Bulletin : Revue historique 663 - juillet 2012
01 juillet 2012
Numéros de page :
45 p. / p. 563-607
L'abbaye du Bec est considérée comme une des abbayes bénédictines les plus célèbres du Moyen Age. L'image véhiculée par les sources narratives du XIIe siècle, ainsi que les hypothèses des érudits de l'époque moderne donnent en effet à penser qu'un monastère bien constitué est fondé en 1034 par le chevalier Herluin. Toutefois, un examen attentif des sources oblige à distinguer entre la réalité historique où prévaut un goût nettement prononcé du fondateur pour la vie érémitique et un processus postérieur de réécriture des débuts de la fondation. Au XIIe siècle, les moines du Bec entendirent occulter ces origines érémitiques, devenues suspectes dans le contexte de concurrence avec le nouveau monachisme, et exalter le primat d'une vie cénobitique. Dans ce cadre, il a été nécessaire de réviser la chronologie des événements traditionnellement admise. L'enquête aboutit à majorer l'importance de l'étape érémitique dans la vie d'Herluin, à travers un refus précoce d'embrasser le cadre normatif bénédictin, mais éclaire aussi l'adolescence du Conquérant. Le proiet d'Herluin d'une vie more Patrum ne put déboucher sur une forme institutionnelle viable. Dans un contexte de sédition des lignées richardides, la confirmation des biens par le duc Guillaume, lors de la seconde dédicace en février 1046 ou 1042 traduit une volonté de fidélisation de l'abbaye. L'arrivée contemporaine du savant Lanfranc et la nouvelle protection ducale assurèrent la prospérité du Bec, remédiant aux difficultés de son gouvernement abbatial, mais suscitèrent sa régularisation bénédictine.