Jusqu'à une date récente, l'anthropologie philosophique allemande appartenait au passé. Quelques grands noms, tombés dans un relatif oubli (Arnold Gehlen, Helmuth Plessner, Paul Alsberg, pour ne citer que ceux-là), des hypothèses fameuses, mais assez aventureuses (la "néoténie", la "positionalité excentrique", l'"être lacunaire"), un contexte intellectuel d'entre-deux-guerres, inspirant plus souvent le soupçon que l'enthousiasme, semblaient remiser ce mouvement au rayon certes respectable mais sans grand avenir de ce que l'on appelle, faute de mieux, "l'histoire de la pensée".

Philosophe allemand méconnu de la seconde moitié du XXe siècle, Hans Blumenberg a toujours été fasciné par le lion. Un recueil de ce théoricien de la métaphore sur le roi des animaux ainsi qu'un roman le mettant en scène lui rendent hommage.

Peu à peu l'oeuvre de Hans Blumenberg parvient à la France dans sa langue. Malgré le travail pionnier des Editions de l'Arche, on attend avec impatience la traduction de "La Lisibilité du monde" prévue aux Editions du Cerf, et l'on espère qu'un éditeur courageux (et indépendant) osera celle de "Arbeit am Mythos".

Le fruit d'une enquête sur un des plus importants chantiers métaphorologiques de Blumenberg est un livre déroutant. Si l'on pense qu'il va s'agir d'une histoire de la connaissance en Occident, on sera déçu, même si cet aspect est bien évidemment présent.

Dans ″L'Eternel Adam″, Jules Verne décrit l'émergence d'un continent que les naufragés découvrent à peine sortis de l'océan, encore tout ruisselants d'algues. La métaphore irait assez bien pour décrire aussi la manière dont la pensée de Blumenberg émerge et, de livre en livre, en vient à prendre dans le champ philosophique une place de premier rang.