Les enfants délinquants, les vagabonds, les psychotiques, il voulait "les aider, mais pas les aimer". Au moment où l'on révise l'ordonnance de 1945 sur la protection des mineurs, la plongée dans l'oeuvre de Fernand Deligny, est un acte de résistance pédagogique.

De Fernand Deligny nous arrivent les oeuvres quasi complètes en un splendide volume, merveille éditoriale aussi atypique qu'enthousiasmante, conçue et voulue par Sandra Alvarez de Toledo qui a pour l'occasion fondé sa maison d'édition.

On croyait avoir tout lu, ou pouvoir encore tout lire avec l'imposant volume, mille huit cents pages, publié l'an dernier (cf. Q. L. n°958) intitulé Oeuvres. Il y manquait quelques textes devenus introuvables, tous inscrits dans cette période (1976-1982) dont l'éditrice et préfacière, Sandra Alvarez de Toledo, rappelle qu'elle fut celle de la fin des utopies, des alternatives, celle du retour à l'ordre. Le contraste, aujourd'hui, n'en est que plus marquant.

Envoyer les jeunes au turbin, au charbon, au trimard, au chagrin ? Comment un éducateur peut-il les aider à se situer par rapport au monde du travail, s'il est lui-même révolté par l'univers de la production ? Comment fare surgir en chacun le désir d'une activité qui ne soit pas seulement un emploi, et d'où ce désir pourrait-il venir ? C'est ce que permet d'éclairer l'oeuvre de Fernand Deligny, éducateur espiègle, initiateur à la fin des années 1960 de lieux de vie et d'accueil pour les enfants autistes, cinéaste et écrivain.