Esclavagisme, colonialisme, fascisme, communisme... Si le débat sur la mémoire fait rage aux Etats-Unis depuis quelques mois, il s’installe aujourd’hui un peu partout avec la même acuité. Faut-il déboulonner les statues confédérées ? Quelles traces garder d’une histoire qu’on renie, comment assumer sans édulcorer ? Sommaire. N’effaçons pas les traces de l’histoire. La France aussi doit affronter ses fantômes. Alger-Paris, une fracture qui n’en finit pas. "Le prix du souvenir est parfois trop élevé". Afrique du Sud/Etats-Unis, une même amnésie.

Le général sudiste Lee capitule devant son homologue Grant en 1865. Mais les confédérés et leur esclavagisme parviendront à masquer leur défaite en reportant toujours à plus tard l'émancipation. Quelques artistes magnifieront volontiers cette supposée "glorieuse défaite".

Deux puissants mythes, celui de la "nation choisie par Dieu" et celui du "rêve américain", ont permis à l'Amérique de refouler le péché originel de l'esclavage. Jusqu'à la mort, il y a un mois, de George Floyd.

L’asservissement d’êtres humains, constaté en tous lieux et à toutes les époques, semble être une constante de l’Histoire. Ce dossier remet en perspective cette pratique, au-delà des idées reçues et à la lumière des dernières recherches. Sommaire. Quand l'esclavage n'avait pas de couleur de peau. Des pyramides élevées à coup de fouet ? Jamais ! Heureux comme un esclave... Le double jeu de l'église. Le pilier du monde arabo-islamique. Le juteux trafic des Slaves. Ces esclaves qui ont fait carrière. Code noir : soumission et protection. Le boom du sucre et la manne des lumières.

C'est dans le contexte d'une "guerre des mémoires" où des communautés issues des sociétés d'esclavagistes d'Europe, des Amériques, d'Afrique du Sud, des Antilles s'insurgent contre la discrimination des victimes, la mémoire de la Shoah occultant selon certains celle de l'esclavage, que nous avons relu l'essai publié en fin d'année dernière par Jeanne Wiltord. Psychiatre et psychanalyste, fondatrice d'un groupe de praticiens en Martinique, Jeanne Wiltord tente en effet d'apporter un éclairage psychanalytique à des questions en impasse, en particulier celle de la revendication identitaire.

En juin, à Bristol, des manifestants antiracistes jetaient une statue de l'esclavagiste Edward Colston à l'eau et ouvraient le débat : doit-on déboulonner les monuments à l'effigie de personnes dont on ne veut plus ? Ou censurer le passé, fut-il criminel, est-il une erreur ? En attendant la réponse, la "guerre des statues" est en tout cas devenue le dernier point de friction d'une nation, l' Angleterre, qui n'en finit plus de se déchirer.

On est frappé, à relire les numéros de notre revue depuis quarante ans, de voir à quel point l’histoire est vivante. Elle accompagne les turbulences du monde, les découvertes de la science, les tragédies ou les interrogations sur l'identité. Elle s'attaque, inlassable, aux massifs d'archives abandonnés par les dictatures en déroute, pour y trouver des réponses aux questions laissées béantes, aux drames inexpliqués, aux aveuglements devenus incompréhensibles.