Dans le contexte du projet de loi sur le mariage et l'adoption par les couples homosexuels, le volet juridique de cette proposition et ses implications soulèvent plusieurs questions : quelle conception de l'égalité et du sujet de droit préexiste à l'ouverture du ″mariage pour tous″ ? L'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe est-il un bouleversement radical du mode de filiation ?

L'hypothèse d'une réactivation d'un catholicisme intransigeant à l'occasion des manifestations du mariage pour tous est intéressante à examiner. Ceux qui ont fait le choix d'une opposition radicale au projet de loi ont-ils trouvé leur inspiration dans un passé aussi lointain ? La symbolique, les codes et les répertoires d'action des adversaires du mariage gay ne peuvent-ils être apparentés à d'autres mouvements contestataires plus récents ?

Promesse du candidat François Hollande, le projet de loi autorisant les homosexuels à convoler devrait être sans coup férir adopté par le Parlement. Il n'en suscite pas moins des controverses passionnées.

En apparence tout est rentré dans l'ordre. La loi Taubira a été validée, elle s'applique, même si c'est à peu de gens. L'opinion va s'y habituer, les sondages le montreront sans doute bientôt. Rien d'étonnant si l'on estime, comme beaucoup d'historiens et de sociologues, que nous avons vu le dernier combat antimoderniste.

L'argument de l'égalité a été central dans le débat sur le pacs, puis dans le débat sur le mariage homosexuel, et va sans aucun doute continuer à l'être dans le débat sur l'aide à la procréation pour les couples homosexuels.

Revendiquer le mariage pour tous à l'heure du "démariage" peut sembler, de prime abord, paradoxal. D'autant que la revendication émane de milieux qui, d'ordinaire, sont plutôt enclins à se démarquer vis-à-vis de conventions sociales traditionnelles qui apparaissent comme l'expression d'un ordre établi. Ce paradoxe s'éclaire toutefois si l'on prend la mesure de l'importance actuelle de la revendication à une égalité de droits ou de traitement par rapport aux conventions sociales.

Depuis longtemps, je suis favorable à l'instauration d'une loi permettant aux personnes du même sexe d'accéder au mariage. Et comme bon nombre de sociologues, anthropologues et historiens, j'ai été surprise de la violence avec laquelle les homosexuels furent stigmatisés, en février 2013, au moment des débats de l'Assemblée nationale, lorsque Christine Taubira vint défendre son projet de loi. J'avais eu l'occasion d'aborder cette question en 2002, lors de la publication de mon livre "La Famille en désordre".

L'ouverture du mariage aux couples de même sexe invite à s'interroger sur le mariage lui-même : est-il une célébration de l'amour ou la fondation de la famille ? On voit bien que c'est sur ce terrain que se déplace le débat, autour des questions de procréation et de filiation, de rapport au corps et de droit de l'enfant. Encore faut-il savoir si le droit seul est véritablement en mesure de les trancher.

En mai 2015, alors que l'Irlande votait en faveur du mariage homosexuel, la France fêtait le deuxième anniversaire de la loi sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Non sans provoquer de nouveaux débats, en particulier sur la gestation pour autrui.

Deux Français sur trois sont désormais favorables au mariage entre partenaires du même sexe. Ce droit consenti chez nombre de nos voisins européens faciliterait la vie de dizaines de milliers de couples homosexuels, notamment ceux qui souhaitent adopter ou procréer. Un véritable enjeu de société.