Pour le politologue, initiateur de Bibliothèques sans frontières et de programmes d'éducation sur la laïcité, l'un des principes sur lesquels s'appuie notre République souffre d'un grave défaut de transmission. Rencontre.

La loi de 1905 figure dans notre panthéon législatif, à tel point que la laïcité qu’elle fonda est un de nos principes constitutionnels. A la suite de l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty par un terroriste islamiste, c’est pourtant ce texte que le gouvernement a voulu refonder avec un projet de loi sur le respect des principes de la République plus proche de l’esprit concordataire, au travers notamment d’une tutelle sourcilleuse sur les associations gérant des lieux de culte.

Soixante ans après les accords d’Evian, qui marquèrent la fin de la guerre d’Algérie et, de façon symbolique, celle de son empire colonial, le pays reste hanté par des fantômes aux lourdes chaînes. Et ce ne sont pas les propos d’Eric Zemmour sur la « colonisation » de certains quartiers ou les violents débats intellectuels autour de la « pensée décoloniale » qui vont apaiser les esprits. Alors pourquoi cette histoire reste-t-elle si conflictuelle aujourd’hui, si chargée de colère et de ressentiment ? Comment réussir à vivre avec cet héritage ?

Tout le monde s'en réclame, tout le monde se dispute à son propos. Doit-elle rester un concept juridique, dans le marbre de la loi de 1905 ? Ou évoluer, s'adapter, comme toute pensée philosophique et politique ? L'historien Patrick Weil, qui vient de publier un livre sur le sujet, et le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, exposent leurs désaccords.

Directeur de recherche au CNRS, Patrick Weil conteste un projet de loi sans vison, qui évite de s'attaquer aux véritables enjeux.

La loi, rien que la loi, mais toute la loi de 1905, en y incluant sa jurisprudence : c'est ainsi que le politologue Patrick Weil entend surmonter l'indétermination qui pèse sur notre idée de "laïcité". Une belle démonstration, mais peut-être pas aussi définitive qu'annoncé.

Dans son dernier essai, "De la laïcité en France", l'historien plaide pour que l'on renoue avec l'esprit de la loi de 1905, fondée sur un subtil équilibre entre libertés et autorité de l'Etat.

Selon l’historien et juriste, spécialiste de l’immigration, le projet de loi adopté le 19 décembre remet en question le droit du sol et d’autres principes fondamentaux de la République. Et risque, paradoxalement, d’aboutir au résultat inverse de son objectif. L'analyse se conclut par l'article intitulé "Macronie, l'heure des fractures"