Ce spécialiste de l'histoire du travail et de la colonisation a déployé, au fil des années, une réflexion originale sur l 'État, l'empire et la citoyenneté, fondée sur une critique de toutes les Interprétations évolutionnistes et des théorisations hâtives de la globalisation. Limportance de la forme empire lui paraît avoir été sous-estimée, en particulier dans l'histoire européenne récente. au profit de la forme État-nation.

A la fin janvier 2014, une surprenante manifestation antisémite éclate dans les rues de Paris. Dans le cadre des mobilisations catholiques hostiles au mariage pour tous et à la théorie de genre, des militants des droites radicales lancent les slogans antisémites traditionnels imaginés autrefois, à la fin du XIXe siècle, par Edouard Drumont. A leurs côtés, des jeunes issus de l'immigration nord-africaine se livrent à des quenelles à la symbolique antisémite. Cette alliance inattendue se trouve confortée par la presse nationaliste et royaliste.

Issu d'une famille directement touchée par le génocide de 1915, tant du côté paternel que maternel, et dont les membres rescapés se réfugièrent en France, Michel Marian est passé par l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm et l'agrégation de philosophie avant de prendre la mesure de son « arménité » et de commencer à écrire sur le sort des Arméniens dans les années 1980.

Quel est donc le prix d'un Nègre à la fin du XVIIIe siècle ? A l'achat, en fonction de la comptabilité habituelle de l'époque, il coûte environ 1 200 livres réparties sur une durée de vie moyenne de dix années, soit 120 livres par an... Dans leur ouvrage décapant mené avec une étonnante logique toute mathématique, Caroline Oudin-Bastide et Philippe Steiner entendent quant à eux démontrer que l'abolition de l'esclavage s'impose pour des raisons économiques autant que morales.

Lire Mona Ozouf, c'est plonger dans plus de deux siècles d'histoire de France. Mais c'est aussi explorer les impasses du présent en revisitant, comme elle nous y aide et incite, les contradictions non résolues de l'exceptionnalisme français. En un moment où font rage les guerres culturelles, où s'affirment hautement petites et grandes différences, où font retour des mémoires diversement blessées et parfois antagoniques, la leçon de son oeuvre est plus précieuse que jamais : elle contribue à démêler l'écheveau de notre intrigue nationale... Entretien réalisé pour "Critique" le 12 février 2016.

Pour le dire en un mot, Mona Ozouf se dresse contre « la fiction du même », contre « l'illusion du même », la mise à mal de la diversité des comportements, des croyances, des mémoires écrasées par le dogme de l'universalisme. Son oeuvre toute entière consiste en une protestation contre l'uniformisation des consciences à l'oeuvre dans la France moderne, la réduction à l'Un, l'utopie d'une cité idéale bâtie autour d'une Raison indifférente aux mémoires et aux fidélités.