Après les tensions sur l'identité nationale, une centaine d'historiens, menés par Patrick Boucheron, ont écrit un autre récit, en 146 dates : celui d'une France corrélée au monde, qui montre aussi que le passé est instrumentalisé.

Les philosophes Michel Onfray et Marcel Gauchet ainsi qu'un collectif d'historiens réunis autour de Patrick Boucheron dressent un portrait de notre société : déchristianisée, victime d'un capitalisme généralisé et oublieuse de sa mixité.

Entretien avec l'historien au coeur de la polémique autour de son phénomène éditorial "Histoire mondiale de la France". A travers 146 textes de quelques pages, le professeur au Collège de France et ses collaborateurs proposent des développements très variés sur toute une série d'événements emblématiques : le couronnement de Charlemagne à Rome, la "naissance" de saint Louis à Carthage, l'embastillement de Sade, le traité de libre-échange de janvier 1960 conclu avec le Royaume-Uni, l'Exposition coloniale de 1931, le bicentenaire de la Révolution française, etc.

Il séduit le grand public autant qu'il exaspère le philosophe Alain Finkielkraut ou le polémiste "réac" Eric Zemmour... Professeur au Collège de France, Patrick Boucheron veut dépoussiérer l'histoire. Ses conférences font salles pleines, ses livres se vendent comme des petits pains. Et ses adversaires ne désarment pas depuis la sortie, en janvier 2017, d'"Histoire mondiale de la France". Un livre conçu comme un antidote à une époque obsédée par les questionsd'identité.

Six mois après son élection au Collège de France, l'historien spécialiste de la Renaissance italienne s'élève contre l'idée que sa discipline devrait servir à glorifier la nation. Et parle des programmes scolaires, du complotisme, de Machiavel et de François Hollande.

Emmené par Patrick Boucheron, un collectif d'universitaires ressuscite l'histoire par dates, comme dans les manuels d'hier. A une différence : chaque événement est inscrit dans son contexte mondial. Le résultat est une fresque époustouflante, antidote à toutes les pseudo-identité nationales.

En janvier 2017, l'historien Patrick Boueheron publiait une somme soulignant les racines diverses de la France. Dans la tribune ci-dessous, l'historien des "Lieux de mémoires" et fondateur du "Débat" lui reproche de "prendre en otage" sa discipline.

Historien du Moyen Age, écrivain du présent : voilà Patrick Boucheron. Formé à l'histoire urbaine, il a vite libéré dans son écriture une intensité tout à fait singulière : dans "L'Entretemps", il écrit les temps désaccordés et les rythmes du politique ; dans "Conjurer la peur", que Gil Bartholeyns a lu pour nous, il dit la force politique d'un lieu d'image, la fresque siennoise du Buon governo.

Historien du Moyen Age, écrivain du présent : voilà Patrick Boucheron. Dans "Léonard et Machiavel", dont Yves Hersant rend ici compte, il fait le récit audacieux d'une rencontre possible.

Un « enragé du langage », c'est ce que Maurice Nadeau avait reconnu en Barthes au moment où il lui ouvrait les pages de "Combat". C'était dire avec simplicité que dans certains cas un penseur, un chercheur, est d'évidence un écrivain. Et qu'il l'est non parce qu'il mettrait en branle une grande machine à fictions, mais parce qu'il est acharné à écrire : à écrire librement, loyalement, joyeusement, en combattant en lui-même tous les lâchages et les approximations de langue ou de pensée.

Comment faire l'histoire de la France ? Certains hommes politiques et historiens se déchirent sur cette question. Dans l'ouvrage collectif qu'il vient de diriger, Patrick Boucheron plaide pour la réconciliation. Et appelle à prolonger l'ouvrage posthume de Fernand Braudel, "L'Identité de la France".