A lui tout seul, Michel Butor était, fut, une entreprise, un grand artisan, ouvrier du livre, scribe, typographe, éditeur, un homme de Renaissance. On l'imagine dans un atelier considérable, une bottega, entouré d'apprentis, recevant des rois mages, des ambassadeurs, des écrivains du monde, des peintres du siècle. Dans le troisième âge, il s'était fait la tête de Victor Hugo avec la barbe...

Peu d'œuvres auront connu une réception aussi paradoxale que la sienne. Michel Butor reste aux yeux du public l'écrivain de "La Modification" : un romancier, un éminent représentant du Nouveau Roman. Or, dans son œuvre si abondante (plus de mille notices au catalogue du dépôt légal de la BNF, à quoi s'ajoutent de nombreux livres fabriqués hors-commerce ou auto-édités), le roman tient peu de place en comparaison des poèmes, recueils, livres d’artistes, essais...

" Résistez ! " C'est avec cette injonction en tête – elle dit l'unité de sa vie – qu'il faut lire le volume d'hommages à Michel Butor intitulé "Dix-huit Lustres" : hommages rendus, précisent Amir Biglari et Henri Desoubeaux, par "un nombre important d'écrivains, de peintres, de photographes, de cinéastes, de musiciens, de critiques et d'universitaires, d'horizons géographiques variés"...

Claude-Henri Bartoli revendique volontiers l’appellation de « primitif cultivé », tout en se référant à l’« art magique » d’André Breton. Il évoque ici son compagnonnage artistique avec Michel Butor, de 1991 au décès de l’écrivain ; il en retrace les principales étapes. Il en livre aussi quelques clés qui intéresseront tous les lecteurs de Butor : un intérêt partagé pour l’« improvisation » ; une passion commune pour les mondes excentrés – le Mexique notamment, où vit aujourd’hui Claude-Henri Bartoli et où Michel Butor se rendit à quatre reprises.

"La Modification", troisième roman de Michel Butor (1926-2016) paru en 1957 et aujourd'hui le plus lu des ouvrages du Nouveau Roman, est un livre que devraient lire tous les amoureux de Federico Fellini (1920-1993), ceux qui ont été séduits par "Roma" (1972), ou par "La dolce vit"a (1960). Les films comme le livre décrivent en termes proches la même fascination pour Rome.