8 000 pages de rapports, 10 000 mètres de pellicule... Au fort de Saint-Cyr, un commando reconstitue le film mythique d'Abel Gance.

En 1927, après une faillite, un tournage homérique et les plus folles inventions techniques de son époque, Abel Gance accouche de "Napoléon". Un beau bébé de 9 h 30 qui marque à tout jamais l'histoire du cinéma. Mais l'enfant prodige se transforme rapidement en monstre. Acteur principal en plein transfert, équipe en burn out, producteurs ruinés, restaurateurs obsédés... Aucun de ceux qui ont approché le film n'en est sorti indemne. Trente plus tard, le réalisateur retourne à son sujet fétiche en réalisant son avant-dernier long-métrage : "Austerlitz".

Edité par Pathé dans une version restaurée, "La Roue" d’Abel Gance est un chef-d’oeuvre expérimental et lyrique à découvrir absolument.

Accompagnant le film le plus attendu de l'année, sept heures du "Napoléon vu par Abel Gance", le livre éponyme est une mine d'or.

Georges Mourier est réalisateur et chercheur, et a consacré une part importante de ses travaux à l'oeuvre de Gance. Ami personnel de Clarisse Gance, la fille du réalisateur, et de Claude Lafaye, le fidèle dévoué des dernières années, il a travaillé avec Bambi Ballard qui, vers 1990, fit une nouvelle restauration du "Napoléon" pour la Cinémathèque française. Il a tourné, entre autres, un documentaire consacré à Gance : "À l'ombre des grands chênes" (2005).

Il y a quelque chose de vertigineux, de très émouvant aussi, à redécouvrir aujourd'hui un classique du cinéma muet qui n'était plus visible depuis près d'un siècle dans la version voulue par son auteur. "Napoléon vu par Abel Gance" a connu bien des avatars depuis sa toute première séance publique au palais Garnier, le 7 avril 1927, dans une version "courte" de trois heures quarante-sept.

Le cinéma se réécrit perpétuellement. "Les Cahiers" vous proposent cet été 2024 de regarder bouger les lignes de son histoire, aussi bien avec des étudiants qui parlent librement de leur cinéphilie, qu'avec des historiens de divers pays qui portent chacun une vision singulière de leur discipline. Bien sûr, il n'y a pas une, mais des histoires du cinéma. Comment les féministes proposent-elles de changer « le canon », l'histoire officielle ? Que valent les classements, listes et autres tops 10, qui ont leur propre historicité, leur valeur d'usage, leur fonction de symptôme ?

Après quinze ans de travail, la remarquable reconstruction opérée par la Cinémathèque française sous la direction de Georges Maurier est-elle fidèle au chef-d'oeuvre d'Abel Gance ?