Ivan Jablonka revient sur un fait divers emblématique, la mort de Laëtitia Perrais. Un récit historique et citoyen. Et un grand livre.

A travers le récit de la vie fracassée d'une fille de 18 ans retrouvée morte au fond d'un étang en 2011, l'historien Ivan Jablonka interroge la violence du monde social. Passionnant.

Prix Médicis pour "Laetitia ou la fin des hommes", l'historien Ivan Jablonka revient sur l'année politique des deux côtés de l'Atlantique et s'interroge sur l'avenir de la gauche européenne.

Femelle vengeresse ou Eve moderne, proie des hommes ou fée émancipée. La rentrée 2016, d'Ivan Jablonka à Marie NDiaye, raconte les femmes d'aujourd'hui avec plus de nuances et de subtilité que tous les essais sur la question. Le roman et l'autobiographie sont-ils les armes d'un nouveau féminisme narratif ?

Longtemps, Ivan Jablonka ne s'est pas couché de bonne heure dans le Combi Volkswagen à bord duquel sa famille voyageait l'été. Il en a tiré "En camping-car", un livre paru en début d'année 2018 mais qui explore un mythe de saison, et une décennie, celle des années 1980, "les dernières années du monde d'hier". A la lisière entre sciences sociales et littérature, le récit très personnel de ce professeur au Collège de France raconte aussi un pan de notre histoire. PAR

L'ouvrage d'Ivan Jablonka, « Laëtitia ou la fin des hommes » (Seuil), prix Médicis 2016, a été l'un des événements de l'automne littéraire. En revenant sur l'histoire vraie du meurtre de la jeune Laëtitia, l'auteur croise la littérature avec les sciences sociales, au point de susciter un débat critique qu'on croyait disparu entre les deux camps. Mais s'agit-il d'une pure logique d'antagonisme? Ou bien ne faut-il pas penser en termes plus hybrides, contaminés ? L'entretien qui suit prolonge ce débat. Précisons qu'il s'agit de réponses écrites à des questions écrites.

C'est l'un des personnages majeurs de "Laëtitia ou la fin des hommes". Celle sans qui le livre d'Ivan Jablonka, qui vient de recevoir le prix Médicis, n'aurait sans doute pas vu le jour. Cécile de Oliveira était l'avocate de la soeur jumelle de Laëtitia Perrais, tuée en 2011 par Tony Meilhan. Un fait-divers instrumentalisé à l'époque par un Nicolas Sarkozy en campagne. Cette pénaliste avait, elle, abordé ce dossier comme n'importe quel autre. Avec une certaine idée de la justice non dénuée de poésie.

Sur un crime monstrueux, Ivan Jablonka mène une enquête fouillée, presque anthropologique, où il épouse la cause de la victime et de son entourage.

Elle s'appelait Laëtitia Perrais, vivait en Loire-Atlantique, et la France a découvert son existence lorsqu'on a évoqué sa disparition dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, puis lorsque son cadavre, découpé, a été repêché quelques semaines plus tard. Elle avait 18 ans. Cette affaire avait alors bouleversé l'Hexagone, avec de nombreux rebondissements...

Evénement de cette rentrée, « Laëtitia ou la fin des hommes » impose Ivan Jablonka en penseur des disparus de notre époque.

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais, 18 ans, est enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d'être poignardée et étranglée. Pour comprendre ce fait divers, l'historien Ivan Jablonka convoque à la barre toutes les sciences sociales.

Le livre d'Ivan Jablonka pose, selon nous, des problèmes importants qui touchent aux trois volets envisagés : une historicisation problématique, voire une absence d'historicisation des catégories de littérature et d'histoire (mais aussi par contrecoup de science, de vérité, d'objectivité, de problème) ; une définition de l'histoire comme "raisonnement naturel" trop insatisfaisante pour pouvoir prétendre intégrer la discipline aux sciences sociales ; enfin une confusion entre les notions de littérature et d'écriture qui biaise la question des relations entre littérature et histoire.