Claude Miller a pris son parapluie. Le réalisateur sait bien qu'un peu de soleil n'empêche pas les grosses averses. Ce constat résume aussi son point de vue sur le cinéma français.

Quinze ans après "L'Accompagnatrice" qui transposait Nina Berberova dans la France de l'Occupation sans souffler mot - éloquent non-dit - de la Shoah, "Un secret" livre un nouvel accès à ces tragiques années quarante par les voies détournées de l'adaptation du roman autobiographique à succès de Philippe Grimbert.

Deux ans après Un secret et ses fantômes de l'Histoire, Claude Miller revient coup sur coup avec deux films en prise directe sur le réel. Marching Band, documentaire sorti en août 2009, se met à l'écoute de deux universités de Virginie et de leurs fanfares estudiantines, durant les semaines qui ont mené à l'élection de Barack Obama.

Pourquoi revenir sur ″Voyez comme ils dansent″ un mois après sa sortie (critique, n°605-606, pp 134-135) et nous entretenir avec Claude Miller une cinquième fois ces dix dernières années ? Par fidélité à un cinéaste qui n'a cessé de nous surprendre et de nous étreindre dès 1976 et ″La Meilleure Façon de marcher″ ? Assurément. Mais parlons net. ″Voyez comme ils dansent″, que Miller s'en est allé tourner là-bas, au Québec, en osmose totale avec le génie des êtres et des lieux, est un des titres les plus importants de son auteur.

Conversation d'un soir d'été. A gauche, Jean-Pierre Marielle, 73 ans, sorte de Vittorio Gassman ombrageux. A droite, Claude Miller, 60 ans, cinéaste inclassable qui, avec "La Petite Lili", signe son "mépris" à lui. Dans ce film sur le cinéma et le pouvoir, inspiré de "La Mouette" de Tchekhov, Marielle, vieux ronchon hypocondriaque cerné par l'âge, fait encore le zouave et le beau. Lisez, vous entendrez peut-être sa voix de basse qui, dans "Les Acteurs" de Bertrand Blier, peinait à réclamer "un pot d'eau".

De "la Meilleure façon de marcher" à "Betty Fischer", qui sort ce mois-ci, Claude Miller a toujours été un cinéaste intimiste, tant par les histoires qu'il raconte que par la relation qu'il entretient avec ses acteurs.