Etrange expédition, dans laquelle les soldats français sont obligés de bouder l'accueil chaleureux d'une population hutue qui chante les louanges de "l'ami Mitterrand". Ils savent en effet qu'au moindre dérapage de leur mission "humanitaire" ils peuvent être entraînés dans des affrontements.

"Nous ne sommes que cinq cents. Sur les treize transports de troupes blindés dont je dispose, dix sont en panne. Et les massacres continuent".

En refusant à l'ONU le minimum de moyens nécessaires, les Etats de la communauté internationale ont condamné à une mort certaine des milliers de Rwandais qui auraient pu être sauvés.

La plus grande tragédie africaine depuis la guerre du Biafra : le photographe Gilles Peress et notre envoyé spécial Jean-Paul Mari ont parcouru le Rwanda plongé dans la guerre civile et les camps de réfugiés à la frontière tanzanienne.

Pour ce spécialiste des questions africaines le conflit ethnico-politique rwandais n'est pas un résidu des antagonismes de l'Afrique ancienne mais le produit d'une politique moderne. Et les responsabilités de la France sont grandes.

Au moins 200 000 tués, plus de 350 000 réfugiés. La tragédie qui a transformé le Rwanda en champ de bataille, ses villes et ses routes en charniers n'est pas une guerre ethnique entre tribus hostiles mais l'extermination organisée et systématique de ceux qui s'opposent à un pouvoir armé et soutenu par la France...

Edouard Balladur l'a confirmé dimanche soir : il ne restera plus un seul soldat français au Rwanda après le 22 août. Les forces de l'ONU en principe prendront le relais, mais les conditions de leur déploiement ne sont pas encore fixées...

Ils meurent. Par milliers. L'heure est à l'urgence, à la mobilisation, à la solidarité. Est-ce le moment de se demander comment on en est arrivé là ? On se dit qu'il sera toujours assez tôt pour répondre...

L'ancien président de Médecins sans Frontières, tout en relevant les aspects positifs de l'intervention française, estime que l'on ne pourra pas faire l'économie d'un procès de l'action passée de la France dans ce pays.

Le dernier acte de la tragédie rwandaise se joue au Zaïre. Plus d'un million de réfugiés, jetés sur les routes par les cadres de l'ancien régime de Kigali, ont submergé la ville zaïroise qui sert de base arrière à l'opération Turquoise.

Un million de Rwandais, fuyant vers l'ouest, butent sur la chaîne des volcans et sur le lac Kivu. Ils se préparent donc à submerger le "réduit français" où, faute de moyens suffisants pour les contrôler, les tueurs continuent à sévir.