C'est au fil de mes traductions que j'ai le mieux rencontré Fallada, et que j'ai compris sa force narrative, son amour pour le parler populaire, sa compréhension intime de l'homme de la rue, son humour noir ou tendre. Tout cela a constitué une ligne de repères pour mes travaux de traduction, tels des phares traçant une route sur la carte avant la traversée en mer. D'une oeuvre à l'autre, certains phares éclairent plus que d'autres.

Un écrivain majeur fait parfois bien des compromis. La preuve par la version non expurgée du roman de Fallada, "Quoi de neuf, petit homme ?".

Dans ce savoureux ensemble de nouvelles, Hans Fallada (1893-1947) campe un monde en crise, dans lequel chacun, et lui le premier, lutte comme il peut pour sa survie. Ils sont fermier, trayeur, faucheur, vacher, ils sont petit chef ou sous-chef aux champs, femme de ménage ou fille de joie, gardien de prison, fonctionnaire, menuisier, tailleur, chef de département responsable du rayon confection, fils d'horloger, représentant de commerce, placeur de magazines, petit vaurien ou grand truand, ils sont mendiants, chômeurs et sans un mark. Parfois, ils sont écrivains. Récit d'une empathie.

"Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir", place Dante au-dessus de la porte de l'Enfer. En Allemagne, rares ont été ceux qui ont tenté de résister au régime nazi. Voici leur histoire... Sommaire. August Landmesser, l'amour au risque de la vie. Sylvin Rubinstein, du flamenco à la Résistance. "Seuls dans Berlin" : les vrais héros du roman de Hans Fallada. Rose blanche contre la croix gammée. Ernst Leitz, un "Schindler" méconnu. Irene Block, au nom de l'amitié. Georg Elser, exceptionnellement ordinaire.

Alors que, dès l'époque, on a beaucoup attribué aux employés la montée en puissance du parti nazi, Marie-Bénédicte Vincent nous propose de regarder autrement cette partie importante de la société allemande, située entre différentes classes sociales plus que classe sociale en soi. Analysant le roman à succès de Hans Fallada, elle insiste sur la nécessité d'étudier la culture de ces employés tout autant que leurs valeurs et leur langage, afin d'en mieux comprendre le ressenti lorsqu'ils furent touchés par la crise économique.

L'alcool comme point de chute pour mieux parler d'un monde et de rapports humains en perdition. Cri de douleur parmi d'autres, le roman d'Hans Fallada sème le trouble. Ecrit en 1944 en prison, ″Le Buveur″ s'apparente à un parcours initiatique où la lucidité n'a plus qu'un seul objectif : en finir avec soi-même mais à petit feu.

En dépit et peut-être en raison de sa puissance exceptionnelle, "Seul dans Berlin" est un livre dur, d'une inimaginable tristesse. L'omniprésence de la dictature nazie, qui procure l'environnement - l'enfermement ? - indépassable de l'oeuvre, y contribue évidemment, mais la force du livre tient à une vérité essentielle atteinte par la littérature.

"Nous avons tous été obligés d'agir chacun tout seul, pour soi, et c'est tout seuls que nous devrons mourir. Mais ce n'est pas pour autant que nous sommes seuls, Quangel, ce n'est pas pour autant que nous mourrons en vain."

Plus de soixante-dix ans après sa parution en Allemagne, un tel retard est à la limite du grotesque, voici enfin traduit l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature populaire allemande.

"Seul dans Berlin" de Hans Fallada : "l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie" selon Primo Levi.