Voilà un sujet pour le moins polémique, que la place démiurgique, réelle ou fantasmée, du metteur en scène, et les vives réactions, d'exaspération ou d'adulation, du public et de la critique justifient. Loin de nous mener à une aride controverse, ce prétexte nous ouvre les portes d'un débat fécond animé par un de nos rédacteurs spécialiste du genre, éclairé par l'analyse de cinq éminents protagonistes de l'opéra. La deuxième partie de ce dossier nous offre une galerie de portraits, anthologie de ces artisans (re)créateurs. Sommaire. Le débat. A la tête et au coeur de la mise en scène.

L'opéra est -il encore un art total ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre de tous les métiers qui contribuent à la naissance d'un opéra -dramaturge, metteur en scène, chanteurs, musiciens ... Pendant huit mois, nous avons interrogé les nombreux talents impliqués dans le "Boris Godounov" mis en scène par la "star" Ivo van Hove à l'Opéra Bastille, et dont la première a eu lieu le 7 juin 2017. Un spectacle attendu et hanté par une question d'actualité : comment représenter le fossé entre le peuple et le pouvoir ?

En donnant récemment "Beatrice di Tenda", l'Opéra Bastille amène à dénoncer une triple injustice, dont souffrent Bellini, cet opéra rarement mis en scène, enfin l'héroïne dont est racontée la triste histoire. Bellini souffre d'être venu dans une époque très riche en créations opératiques, où l'influence de Rossini domine, et où Donizetti produit avec surabondance. Bellini est mort très jeune et a laissé un nombre d'opéras relativement restreint. Parmi ses oeuvres "Norma" domine. Enfin "Béatrice" est, du moins à l'opéra, une victime innocente.

Lors de sa création en février 1752, au Covent Garden de Londres, "Jephtha" était un oratorio, un des derniers de Haendel. La magistrale exécution du "Jephtha" que vient de donner l'Opéra Garnier, grâce à une mise en scène qui la transformait en opéra, permet de mieux sentir la valeur dramatique de cette musique, ses tensions, son tragique.

C'est dans le temple parisien de l'art lyrique où il fait ses débuts que l'acteur et réalisateur met en scène "La Cenerentola" de Rossini. Les garçons et Guillaume, à l'opéra !

Ce qui frappe d'abord, c'est la dualité fondamentale de l'oeuvre. À commencer par ces deux colonnes qui soutiennent le grand édifice des "Troyens" : la tragédie d'un peuple assassiné par traîtrise, puis le drame de Didon abandonnée par Énée. Deux influences majeures ensuite, celles qui donnent la clé de la personnalité de Berlioz : Virgile et Shakespeare. Avant que ne se pose l'éternelle question de préséance entre la musique et les paroles, entre le souffle dramatique et la véhémence musicale, entre les styles de Gluck et Mozart, Rossini et Wagner...

Un personnage historique sulfureux- cette Lucrèce Borgia, fille de pape que la légende dit incestueuse-, une source auréolée de la réputation de scandale de son auteur- la pièce de Victor Hugo -, une héroïne criminelle qui organise un spectaculaire empoisonnement collectif: voici les audacieux ingrédients de Lucrezia Borgia (1833). Dans ce drame romantique composé entre Anna Bolena et Lucia di Lammermoor, Donizetti use de coloris vifs et vrais, trouvant l'équilibre entre naturel de la conversation, «mise en scène musicale» aux effets frappants et beautés hypnotiques du bel canto finissant.

Après "Xerse" de Cavalli et "The Indian Queen" de Purcell, l'Opéra de Lille reforme le tandem Emmanuelle Haïm à la direction et Guy Cassiers à la mise en scène pour un "Don Giovanni" inaugurant la saison du centenaire de ce théâtre. La cheffe d'orchestre évoque pour nous cette nouvelle production.