Une récente tribune appelle le président Macron à sauver le seul vrai camembert, le "100 % lait cru". Une louable initiative, mais tout n'est pas si simple.

N’ayant aucune valeur légale, la formulation "camembert fabriqué en Normandie" permettait en effet de produire des plâtres avec du lait allemand, roumain, polonais ou néo-zélandais.

Tirant toujours la qualité vers le bas pour protéger leurs parts de marché, les industriels empêchent les défenseurs de la tradition d'obtenir un label authentifiant leur production.

Les défenseurs du fromage au lait cru d'appellation d'origine l'ont donc emporté sur les industriels de la pasteurisation. Interdite et illégale, la mention "fabriqué en Normandie" doit disparaître de toutes les étiquettes.

Il n'y a pas que le vin et le fromage à en bénéficier. Lorsque l'ancienneté de leur tradition est reconnue, volaille, boeuf, cochon et agneau de terroir peuvent accéder à la plus belle distinction agro-gastronomique française. Au nombre de douze, les AOP liées à l'élevage se sont enfin regroupées.

En toute impunité, des étiquettes continuent à user d'une formule qui induit le consommateur en erreur. Une tromperie qui permet à l'industrie laitière d'écouler des fromages à l'origine douteuse... Ou comment le profit financier continue à se jouer des normes.

Tout va bien pour le rayon traiteur en grande surface en 2018. Il s'affiche à 5,6 milliards d'euros, en hausse de 4,1%. Les salades, +5,4 %, les plats cuisinés, +4,5 %, et la charcuterie pâtissière, +4,3 %, les trois catégories principales du marché, sont toutes en croissance. Toutefois, certains produits ne se portent pas aussi bien, comme les sauces fraîches à -3,5 % ou le sucré à -9,3 %. Afin de relancer ces catégories, mais aussi de continuer à dynamiser l'ensemble du segment, les industriels misent notamment sur les labels locaux et un sourcing régional.

Alors qu'un accord avec les défenseurs du lait cru avait abouti, instituant deux AOP, le groupe Lactalis et ses complices refusent au dernier moment de voter l'adoption du nouveau cahier des charges de l'appellation d'origine.

Serait-ce la revanche de Claude Lévi-Strauss, l'anthropologue français hostile à "la civilisation en masse" produite en monoculture, "comme la betterave", sur Levi Strauss, le vendeur de jeans américain ? Tandis que le marché mondial marque le pas, de jeunes griffes françaises se remettent en selle. Avec succès.

C'est enfin au "Journal officiel". Les industriels accrochés au "fabriqué en Normandie" vont devoir lâcher prise. La mention qui induit volontairement le consommateur en erreur devra disparaître des étiquettes le 1er janvier 2021. D'ici là, le lobby va tout tenter pour faire plier le ministre.