Nous avions fait part de notre admiration renouvelée pour Wim Wenders, dans notre numéro 752, en consacrant une critique à "Anselm" et en nous entretenant avec lui au sujet de ce film et de "Perfect Days". Nous publions maintenant la recension de ce dernier, qui a été récompensé à Cannes en la personne de son acteur principal, Koji Yakusho. On sait que le cinéaste a reçu, à Lyon, le prix Lumière.

La publication de poèmes et d'autres textes de Bunuel dans la belle collection de poche Gallimard reprend pour l'essentiel la traduction d'une édition précédente, parue chez Plon, en 1995. Mais c'est une heureuse idée de l'accompagner du texte espagnol et de la compléter. Le livre comporte une chronologie de la vie de l'auteur, une bibliographie et d'abondantes notes.

Âgé de 83 ans, auteur en cinquante ans de quatre longs métrages, qui sont d'insolites chefs-d'oeuvre, Victor Erice est un cinéaste rare, sans doute malgré lui, mais aussi en ce sens que ses films refusent de répondre, autant par non que par oui, aux injonctions commerciales et aux suggestions des modes intellectuelles. Cette singularité explique-t-elle que "Fermer les yeux" n'ait pas été honoré comme il le méritait à Cannes, où "Le Songe de la lumière" avait reçu le Prix du jury en 1992 ?

Nos deux héros, qui d'emblée se reconnaissent l'un l'autre Juifs ashkénazes, partagent une dangereuse aventure, Martin malgré lui, Claire avec entrain. Que Martin soit plus jeune que Claire n'entrave pas leurs relations sentimentales. Il est abasourdi, elle est vive. Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste expriment avec vigueur ce contraste entre l'ardeur et l'apathie.

Le cinéma aura été l'art majeur du siècle dernier ; c'est une place que les histoires de l'art ne lui reconnaissent pas volontiers ; elles se bornent à noter qu'il a fourni des modèles à certains plasticiens, que certains artistes se sont essayés à des films inhabituels, elles ignorent l'ordinaire du cinéma. C'est pourtant le cinéma commercial qui a modifié le plus profondément nos façons de connaître et d'admirer, donc accompli la mission traditionnelle des arts.

Thorold Dickinson ne signe que neuf longs métrages entre 1937 ("The High Gommant") et 1955 ("La colline 24 ne répond plus / Hill 24 Doesn't Answer"), dont se détachent au moins deux chefs d'oeuvre, "Gaslight" (1940) et "La Reine des cartes" ("The Queen of Spades", 1949). Paradoxe : ce sont des projets auxquels Dickinson fut associé au dernier moment, remplaçant au pied levé Anthony Asquith (sur le tournage de "Gaslight") et Rodney Ackland (sur celui de "La Reine des cartes").

Le cinéma de l'Iranien Mohammad Rasoulof n'a pas eu des aléas qu'avec la censure de son pays. Sur ses huit longs métrages, tous primés dans des festivals internationaux, la moitié seulement est sortie dans les salles françaises : "La Vie sur l'eau" (2005), "Au revoir" (2011), "Un homme intègre" (2017) et bientôt "Le diable n'existe pas". Deux de ses films les plus récompensés, "The White Meadows" (2009) et "Les manuscrits ne brûlent pas" (2011) n'ont pu être vus, hors festivals, que dans des rétrospectives comme « Un état du monde » au Forum des images (2017).

Molière se plaisait à composer des langues factices pour figurer des parlers bien réels : le latin du "Malade imaginaire", le turc, mais aussi le gascon et le suisse du "Bourgeois gentilhomme", le patois de Charlotte et de Pierrot. C'était pour faire rire. Mais, à entendre ces mots, ces strophes ou ces tirades de fantaisie, le public éprouve un autre plaisir, plus subtil et plus confus.

Les arcanes de la folie et de l'internement psychiatrique sont mis en scène par Steven Soderbergh dans "Paranoïa".

Parmi les films de Shin Sang-ok que présentait, à Nantes, le festival des 3 Continents 2017 (voir no 684, p. 79) dans sa rétrospective consacrée au cinéaste coréen, tant pis pour les drames historiques et politiques des années 1961-1968 si remarquables qu'ils soient, n'ont été retenus que les films intimistes qui précèdent.

Les grandes oeuvres ont souvent un tournant d'avance. On ne s'attendait pas à retrouver le cinéaste des grandes conversations et des contes urbains dans un village montagneux, au côté d'un père bûcheron taiseux confronté à l'installation prochaine d'un site de « glamping » (camping glamour) au mépris de l'eau et de la faune locales. Dans les paysages qui portent la musique d'Eiko Ishibashi, Ryusuke Hamaguchi a tourné une fable écologique magistrale, qui verse dans le drame en retenant ses effets et son message.

Si, cette année, la météo était tempérée à Bologne pendant les journées de Il cinema ritrovato, l'activité du festival était comme d'habitude surabondante. Entre les quatre salles habituelles et les lieux de projection ou de conférence supplémentaires, le seul problème du festivalier était celui des choix et des frustrations qui en découleraient. Voir un long métrage chinois ou un muet de Luigi Maggi ? Un film peu connu de John Stahl ou revoir un mélo mexicain de Gavaldon !

Huang Gongwang (1269-1354) est un des maîtres de cette peinture de paysage que la langue chinoise nomme "peinture de montagne et d'eau" ; le rouleau "Séjour dans les monts Fuchun", parfois intitulé en français "Habiter dans les monts Fuchun" ou "Maisons dans les monts Fuchun" porte horizontalement une série de dessins de ce type. Hubert Niogret a noté l'importance de cette référence dans son compte rendu de Cannes (voir no 701-702, p. 78). Sommaire. Décentrement du site, critique du film. Comme le rouleau d'une peinture chinoise. Entretien avec Gu Xiaogang.

Nous nous souvenons tous de Helen Aberson et de Harold Pearl : ils imaginèrent "Dumbo" en 1939. Leur livre inspira aux studios Disney, en 1941, un dessin animé, fruit du travail d'une dizaine de scénaristes. Tim Burton donne aujourd'hui une nouvelle version des aventures de l'éléphant volant.

C'est un tombeau monumental que Gaumont vient d'élever à Jean Vigo. Ses quatre films sont présentés en version restaurée ; deux DVD de suppléments proposent divers hommages et un entretien avec Luce Vigo. Il faut ajouter une brochure historique précise et bien illustrée, due à Bernard Eisenschitz ; elle reproduit un texte du cinéaste : "Vers un cinéma social".

Souvent, dans la destinée de Milos Forman, la fidélité a vaincu les infortunes historiques.

Avec "Le Poirier sauvage" (voir n° 689-690, juillet-août 2018), "Burning" fut l'un des grands films de la compétition cannoise et, comme celui de Nuri Bilge Ceylan, ignoré d'un jury aveugle sur les pouvoirs du cinéma. Après "Oasis", "Secret Sunshine" et "Poetry", Lee Chang-dong s'impose, une fois de plus, comme l'un des principaux auteurs contemporains. En empruntant le schéma du thriller, il entreprend un voyage existentiel entre la réalité et l'illusion autour de trois personnages qui forment un triangle amoureux.

Pourquoi s'intéresser à l'affaire Dreyfus aujourd'hui ? En quoi ce naufrage militaire, politique et judiciaire, au milieu duquel l'honneur ne fut sauvé que par la ténacité de quelques hommes déterminés, entre-t-il en résonance avec notre époque ? Et à quel titre le cinéma serait-il mieux placé que d'autres médias pour dire quelque chose de neuf sur l'Affaire alors que plusieurs films et téléfilms lui ont déjà été consacrés ? Sommaire. Trois corps. Les Ombres de l'Affaire.

Révélation majeure du festival de Berlin 2018, "An Elephant Sitting Still" du réalisateur Hu Bo fut programmé dans la section parallèle du Forum et reçut le prestigieux prix de la critique internationale (Fipresci). Ignoré par la presse française mais louangé dans nos colonnes, il n'eut pas l'honneur de la compétition car son auteur avait mis fin à ses jours peu de temps après la finition de son film et n'aurait donc pas honoré de sa présence la Berlinale, les oeuvres de nos jours ayant moins d'importance que les "people".

Avec son parfum de mystère nourri d'une trouble sensualité qui explose lors d'une extraordinaire seconde partie sous forme d'un vertigineux plan-séquence en 3D, "Un grand voyage vers la nuit" a électrisé le festival de Cannes en mai 2018. Diamant noir d'une section Un certain regard particulièrement riche, il a divisé et passionné au point que, fait rarissime sur la Croisette, on a vu des festivaliers retourner le voir à une deuxième projection dans la foulée. Une rencontre avec son auteur, un jeune cinéaste chinois s'imposait.

Dans "Sur le chemin de la rédemption", Paul Schrader met en scène un prête responsable d'une petite paroisse, qui doit raisonner un père prêt à tuer son enfant pour le bien écologique.

Robert a invité Jeanne au théâtre, Martin les accompagne. La pièce s'intitule "Nora". Ces trois spectateurs sont assis à l'orchestre ; du drame on n'entendra pas un mot, mais trop longuement pour qu'on ne soit pas surpris une suite de battements de métronome. Le nom de Nora fait penser à l'héroïne de "Maison de poupée", victime de la tyrannie masculine et de l'aveuglement méprisant de son époux : elle n'avoue rien et prend conscience de la nécessité d'affirmer sa liberté.

Si le populisme repose sur la croyance ou la volonté de faire croire à l'existence d'un peuple sans considération de classes, sans structures instituées, s'il rêve d'accorder du pouvoir à cette masse indistincte et chimérique ou de lui donner le pouvoir, s'il récuse volontiers la représentation -y compris parfois celle que le peuple pourrait se faire de ses intérêts collectifs -, s'il doute de toute médiation, prompt à se sentir trahi par tout le politique, il n'a pas le même visage en Amérique du Nord, en Italie, en France, au Japon.

Alain Masson livre la critique d'"Abou Leila" d'Amin Sidi-Boumédiène qui replace l'Algérie à la fois à l'écran et parmi les pays comptant de grands réalisateurs.

Les éditions Tamasa proposent douze films de G. W. Pabst, dans un coffret dont Pierre Eisenreich est le maître d'oeuvre. Accompagnées de documents propres à éclairer leur signification historique, ces belles copies se répartissent sur seize disques, parmi lesquels trois Blu-ray.

Amasa a publié un coffret de neuf DVD consacrés à autant de films de Youssef Chahine, sortis entre 1954 et 1979. Chacun est accompagné d'une présentation précise et concise, énoncée et quelquefois chantée par Amal Cuermazi dans le décor opportunément pharaonique du cinéma Louxor.

Jane Campion a conçu et produit une nouvelle saison de "Top of the Lake", la seconde (2017), sous-titrée "China Girl" ; elle en a écrit le scénario avec Gerard Lee, qui avait déjà collaboré avec elle pour les épisodes de 2013 ; mais elle a dirigé seulement deux de ces six nouveaux chapitres, le premier, "China Girl", et le cinquième, "Who's Your Daddy ?" ; les quatre autres ont été réalisés par le cinéaste australien Ariel Kleiman. Ils durent tous à peu près une heure. Cette deuxième histoire fait bien suite à la première.

On la connaissait comme l'une des actrices américaines les plus douées de sa génération pour la comédie. Qualifiée à juste titre par les critiques newyorkais de « nouvelle Irene Dunne », elle est admirable dans "Frances Ha", "Mistress America", "Maggie a un plan", où son ancrage dans une réalité sociale laisse toujours la place à l'expression affectueuse d'une légèreté mélancolique contrant les absurdités de l'existence. Sa profondeur du jeu est désormais à l'oeuvre dans sa première réalisation en solo : "Lady Bird".

Paul Vecchiali donne le même jour au public deux films dont les génériques sont presque identiques ; l'un et l'autre recourent à une organisation narrative ancienne, celle du Décaméron ou de l'Heptaméron, où des personnages, que le hasard rapproche, sont tenus de raconter, faute d'autre passe-temps. Mais cette fois, ils doivent parler de leur propre passé ; les fictions sont exclues, les mensonges ne le sont pas.

Palmé d'or et reconnu par ses pairs, Gus Van Sant n'en cultive pas moins les paradoxes : « indé » sans être underground, auteur sans jamais perdre de vue le grand public, en marge du système des studios sans les ignorer totalement. Bref, ici et déjà ailleurs ... Le cinéaste multiplie les ruptures et les périodes, livrant avec la même intégrité des feel good movies initiatiques ("Will Hunting"), des oeuvres épurées ("Gerry", "Elephant") et des biopics ("Harvey Milk") .